Enfer (L')

Affiche Enfer (L')
Réalisé par Danis Tanovic
Pays de production France
Année 2005
Durée
Genre Drame
Distributeur Diaphana Films
Acteurs Emmanuelle Béart, Carole Bouquet, Guillaume Canet, Karin Viard, Marie Gillain
N° cinéfeuilles 515
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Céline (Karin Viard), sans un mot, promène en chaise roulante sa mère muette (Carole Bouquet). Sophie (Emmanuelle Béart), profondément perturbée, découvre l'infidélité de son mari et le met à la porte. Anne (Marie Gillain), jeune étudiante déboussolée, se fait plaquer par Frédéric (Jacques Perrin), son amant et son professeur d'Université. C'est la débâcle partout. On croise aussi un homme qui sort de prison, et un autre qui tente inlassablement d'entrer en contact avec Céline. L'atmosphère générale est assez délétère, les personnages paraissent tendus, vulnérables, les rapports entre les protagonistes sont très difficiles. Chacun a des choses à cacher, semble-t-il.

Le spectateur comprend vite qu'il se trouve devant une structure narrative éclatée, ponctuée de nombreux flash-back, et que le travail de reconstitution ne lui sera pas facilité. L'intérêt du film se situant - en partie tout au moins - dans cette remise en place des morceaux du puzzle, on ne va pas en dévoiler ici les péripéties. Mais toutes les trajectoires existentielles croisées en cours de route finiront par se rejoindre.

Le dernier film de Danis Tanovic - cinéaste à la double nationalité bosniaque et belge, auteur en 2001 d'un excellent NO MAN'S LAND, histoire de deux soldats au cour de la guerre de Bosnie, en 1993 - est dédié au cinéaste Krzysztof Kieslowski. Voilà peut-être l'une des clés qui permet de mieux comprendre le monde décrit et la tonalité sombre du film. Par ailleurs la présence au générique, en tant que scénariste, de Krzysztof Piesiewicz (ancien et fidèle collaborateur du cinéaste polonais) explique aussi l'atmosphère très particulière de L'ENFER, dont le titre, on l'a compris, est on ne peut plus clair.

L'enfer, dans ce film, c'est tout le monde, et chacun pour les autres. Il n'y a guère d'éclaircies dans cet univers, et personne à qui se raccrocher vraiment. Et la structure du film - dans ses aller et retour, dans ses multiples sauts temporels - est aussi tourmentée que chacune des existences des personnages, presque toutes ratées. Voilà pour l'enfer.

Le film pèche par excès d'ambition. On parle souvent philosophie, on évoque le rôle du destin et celui des coïncidences (tiens, tiens, revoilà Kieslowski!) Il arrive parfois que les dialogues sonnent creux, que les choix soient attendus et les catastrophes prévisibles. Les références à Médée, à Jason, à Euripide font peut-être bien dans le paysage, mais n'éclairent guère un récit qui se voudrait tragédie moderne.

On relèvera la bonne interprétation des trois actrices principales. A leurs côtés - c'est voulu - les personnages masculins sont plutôt en retrait, ternes ou même veules. Dans ce monde profondément traumatisé, inutile de chercher une bouffée d'oxygène. Les liens familiaux pourront-ils un jour renaître? On en doute. Un des personnages - qui a fortement contribué, par le passé, à rendre cet univers irrespirable et à faire de la vie de sa famille un véritable enfer - aura le dernier mot: ""Je ne regrette rien"" écrit-elle. La machine, inexorablement, reste donc infernale."

Antoine Rochat