Sofia

Affiche Sofia
Réalisé par Meryem Benm’Barek
Titre original Sofia
Pays de production France, Qatar, Maroc
Année 2018
Durée
Genre Drame
Distributeur Memento Films Distribution
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 798
Bande annonce (Allociné)

Critique

En présentant les conséquences dramatiques d’un déni de grossesse hors mariage au Maroc, Sofia sonde intelligemment les racines d’une société patriarcale.

En début de film, un carton signale qu’au Maroc, les relations sexuelles hors mariage sont condamnées par une peine de prison. Dès lors, on s’attend à un film militant mais pas très constructif, un peu comme Much Loved sorti en 2015, qui dénonçait stérilement une société hypocrite et violente envers les femmes marocaines. À l’ère post #MeToo, on est en droit d’attendre une analyse un peu plus subtile de ces discriminations affligeantes… Et heureusement, c’est exactement ce que propose Sofia.

On rencontre donc ce personnage titre, la vingtaine, lors d’une réunion de famille où on parle essentiellement affaires. Sofia n’est guère concernée par ces discussions qui permettraient à ses parents d’enfin s’émanciper de la classe moyenne inférieure. Et pour cause: elle se retrouve, à sa grande surprise, sur le point d’accoucher, sans savoir comment trouver un hôpital prêt à accueillir une femme victime d’un déni de grossesse hors mariage. Pour éviter la prison, Sofia doit absolument faire reconnaître l’enfant par son père, un jeune provenant des milieux défavorisés de Casablanca et qu’elle n’a jamais revu depuis neuf mois. Ce dernier se montre réticent à coopérer. Ne s’agit-il que de lâcheté?

La réalisatrice Meryem Benm’Barek, avec ce premier long métrage, nous emmène bien au-delà de ce délit de grossesse. Récompensé lors du dernier Festival de Cannes, son scénario d’une sobriété et d’une efficacité redoutable s’en va questionner les aspirations et les valeurs de la jeunesse contemporaine, mais également celles des précédentes générations, dépeignant ainsi le portrait de la société marocaine urbaine toute entière. La situation de Sofia (et de toutes les autres mères célibataires marocaines) a beau être aberrante, elle s’ancre dans une réalité socioculturelle complexe ou chacun(e) porte sa part de responsabilité. Ce film peut se voir comme un contrechamp à Mon cher enfant qui sortira fin octobre et qui s’intéresse au mal-être des jeunes tunisiens qui partent s’engager dans les rangs de Daech.

 Cette maîtrise d’un récit sobre aux enjeux complexes se retrouve également dans la réalisation, apparemment naturaliste mais soutenu par un impressionnant travail dans la composition des cadres. Les décors sont formés par des cases oppressantes, à l’image de la famille de Sofia et, plus largement, de la société elle-même. Plus qu’un étau, ces cases ne constitueraient-elles pas un objectif de vie pour les personnages de ce film? Seule la direction d’acteurs - dont certains ne sont pas professionnels - vient entamer l’excellence de la démarche dans quelques scènes. Cela ne suffit pas à consumer l’enthousiasme de se retrouver face à un film fin, intelligent, efficace et nuancé.


Blaise Petitpierre

Appréciations

Nom Notes
Blaise Petitpierre 18