BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan

Affiche BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan
Réalisé par Spike Lee
Titre original BlacKkKlansman
Pays de production U.S.A.
Année 2018
Durée
Musique Terence Blanchard
Genre Biopic, Comédie, Policier
Distributeur Universal
Acteurs Topher Grace, Adam Driver, John David Washington, Laura Harrier, Ryan Eggold, Jasper Pääkkönen
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 795
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le dernier long métrage de Spike Lee, BlacKkKlansman, s’inspire de l’histoire incroyable mais vraie d’un policier noir qui décide d’infiltrer le Ku Klux Klan au milieu des années 70, période de manifestations et de luttes pour l’égalité ethnique.

Le film s’ouvre sur la célèbre scène de Gone With The Wind (Victor Fleming, 1939) qui fait état des dégâts de la guerre de Sécession, avec le drapeau des Etats confédérés du Sud qui flotte en premier plan. Un animateur télé, Beauregard (Alec Baldwin), commente ces images en déversant sa haine à l’égard des Noirs. Ici comme dans l’entier du film, les médias (radiophoniques, télévisuels et cinématographiques), parce qu’ils relaient un discours, une représentation, discriminatoires, sont épinglés dans leur rôle de support à l’idéologie raciste.

Au début des années 70 à Colorado Springs, Ron Stallworth (John David Washington), à la coupe afro marquée, réussit à se faire engager dans les forces de l’ordre. Mandaté un jour pour infiltrer une conférence organisée par des étudiants noirs, afin de mesurer si ces derniers représentent une menace pour le système en place, il entamera une relation amoureuse avec l'une des leaders du mouvement, Patrice Dumas (Laura Harrier) et une réflexion sur son appartenance à une minorité ethnique. Au fil de sa prise de conscience, le film va intégrer des références culturelles afro-américaines, sous-tendues par d’autres critères esthétiques, se défaisant ainsi progressivement du regard du dominant.

Par la suite, Ron manifeste son désir d’infiltrer le KKK: il téléphone à l’un de ses dirigeants, Walter Breachway (Ryan Eggold). Sa simulation raciste est convaincante, on souhaite le rencontrer. Son collègue Flip (Adam Driver) devra dès lors jouer son double blanc lors des réunions et Ron occupera une position de dramaturge et de metteur en scène (tel Spike Lee).

BlacKkKlansman regorge d’excellentes trouvailles scénaristiques venant discréditer l’idéal dégénéré des membres du KKK, notamment lorsque Ron, en ligne avec David Duke (Topher Grace), responsable national de l’organisation, se met à insulter les Noirs sous le regard ahuri de ses collègues. Cette scène, comme d’autres, met en évidence l’inanité du discours raciste: ne voyant pas sa couleur de peau, David Duke éprouve une sincère affection pour Ron.

BlacKkKlansman dénonce aussi la position de la femme dans la société patriarcale, à travers le couple de Felix (Jasper Pääkkönen), raciste fanatique, et son épouse Connie (Ashlie Atkinson), dont le plus grand bonheur est de pouvoir servir son mari, quitte à risquer sa propre vie. L’amie de Ron, Patrice, refuse quant à elle de dépendre d’un homme.

 Enfin, c’est aussi sa position de cinéaste et hollywoodien et engagé que Spike Lee thématise dans ce film, par analogie tacite avec la lutte afro-américaine. Si Partice refuse tout compromis avec le système mis en place et mène son combat depuis l’extérieur, Ron cherche lui à le modifier de l’intérieur: il se fait aussi, de par son métier, un défenseur de l’ordre établi. Comme Ron, Spike Lee a décidé de rester à l’«intérieur», du cinéma hollywoodien pour sa part, afin de lutter contre les stéréotypes raciaux que ce même cinéma a contribué à véhiculer par le passé. On sait à quel point ce combat est encore nécessaire aux Etats-Unis, et le film se conclut sur une archive qui nous donne à voir et entendre l’effrayant Trump.

Sabrina Schwob


Pour son retour à la fiction, après notamment un étonnant documentaire consacré au drame de la Nouvelle-Orléans lorsque ses digues lâchèrent, Spike Lee a déniché une histoire vécue hors du commun. Dans les années 1980, dans une petite ville du Colorado, un Noir est engagé dans les forces de police locales. Contre toute attente, il s’infiltre par téléphone à l’Organisation (c’est-à-dire le Ku Klux Klan), jusqu’à devenir membre de la cellule locale. Pour ce faire, il est contraint de faire équipe serrée avec un collègue blanc, d’origine juive, qui prendra son identité lorsqu’il devra se montrer. Cette histoire incroyable permet au réalisateur noir de revenir sur ces années où les enfants de Malcolm X, et notamment Stokely Carmichael, puis les Black Panthers se posent en révolutionnaires. Ils sont alors surveillés de très près (surtout par le FBI) et excitent les positions extrêmement racistes du KKK avec un David Duke pour leader. L’infiltration fonctionnera-t-elle sans dérapage ? Spike Lee est toujours en colère, l’énergie qui se dégage de son film l’atteste : il règle ses comptes, au nom de la communauté africaine-américaine ou presque, avec Naissance d’une nation de David B. Griffith (1915) qui faisait l’apologie du KKK. Tout cela lui permet de démontrer que les discours racistes de cette funeste organisation ont progressivement infusé certains propos politiques au point qu’en été 2017, lorsqu’un membre du KKK précipita son véhicule dans une manifestation de Black Lives Matter, le président Donald Trump renvoya dos à dos manifestants pacifistes et fauteurs de trouble. Rien n’a changé ? Si. Cette histoire surprenante le prouve, tout comme le fait de pouvoir la relater. Toutefois, il est vrai que le chemin vers une véritable société où l’on ne juge pas un individu à la couleur de sa peau est encore long.

Grand Prix et Mention spéciale du Jury œcuménique

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 18
Serge Molla 18
Georges Blanc 18
Geneviève Praplan 18
14