Réalisé par | Tommy Lee Jones |
Pays de production | U.S.A. |
Année | 2005 |
Durée | |
Musique | Marco Beltrami |
Genre | Drame |
Distributeur | pathefilms |
Acteurs | Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Julio Cedillo, Dwight Yoakam, January Jones |
Age légal | 14 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 514 |
Le corps d'un paysan mexicain est retrouvé près de la frontière, et il a été rapidement enterré après son assassinat. Son meilleur ami va mener lui-même l'enquête que les autorités locales refusent d'assumer, la police des frontières américaines étant fortement mise en cause. Dans cette étrange et très belle région du Texas, le parcours de cet unique défenseur d'une réelle humanité est superbement filmé. Il fait de cette œuvre un western hard politiquement engagé qui n'a rien à envier aux films de l'Ouest de la grande époque.
George Blanc
La frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Un monde désertique et oublié: deux hommes que tout oppose ramènent la dépouille d'un travailleur clandestin dans son village mexicain. Un film ambitieux et original, bien éloigné de l'Ouest américain dans ce qu'il a pu avoir, par le passé, de glorieux.
Melquiades Estrada (Julio Cedillo) a quitté le Mexique il y a plusieurs années déjà. Entré clandestinement aux Etats-Unis, il y a trouvé du travail et s'est bien intégré - il est cow-boy - dans sa nouvelle communauté. Il vit le long de la frontière, entre le nord du Chihuahua et l'ouest du Texas, une région qui sent la déprime économique, où l'on s'ennuie, où les autorités se bornent à classer les affaires lorsqu'elles dérangent.
Un jour, Melquiades est abattu, dans des circonstances peu claires, par un garde-frontière à la gâchette facile, Mike Norton (Barry Pepper), qui l'enterre à la va-vite. Mais Pete (Tommy Lee Jones), contremaître de la région et ami très proche de Melquiades, n'accepte pas les explications officielles, mène sa propre enquête et se charge de ramener le corps de la victime - comme il le lui avait promis un jour - à sa famille, au Mexique. Sous la contrainte, il obligera le policier fautif à l'accompagner.
Les Trois enterrements de Melquiades Estrada raconte le long voyage de Pete, de Mike et de leur dépouille à travers les étendues désertiques du sud des Etats-Unis et du Mexique, avec la police à leurs trousses. Un road movie désenchanté, fait de tensions et de violences. De rencontres insolites aussi: au Texas d'abord (Rachel, la serveuse; Lou-Ann, la femme de Mike; Belmont, le shérif; etc.), puis dans des bleds perdus, dans un monde de laissés-pour-compte, comme ce vieillard aveugle et solitaire qui, sur le Rio Grande, désire mourir. Il ne connaît pas un traître mot d'espagnol, mais écoute la radio mexicaine parce que, dit-il, la langue de ce pays est musicale. On pourrait parler encore de Mariana, une Mexicaine qui a essayé un jour de franchir la frontière, avant d'être refoulée sans ménagements par Mike. Elle le recroisera en d'autres circonstances.
Construit en chapitres distincts et s'appuyant sur de nombreux flash-back qui permettent peu à peu de retrouver le fil et le sens des événements, Les Trois enterrements de Melquiades Estrada reste fidèle à certains thèmes de l'Ouest américain: respect de la parole donnée, sens du devoir et de l'amitié, leçon sur la vie des hommes, réflexion sur la justice rendue soi-même (lorsque celle qui est officielle est aux abonnés absents), difficulté à demander pardon ou à être pardonné, etc. Prix du scénario lors du dernier Festival de Cannes, le film est l'œuvre conjointe de l'acteur Tommy Lee Jones et de Guillermo Arriaga (qui a écrit les scénarios des films de Alejandro G. Inarritu, Amours chiennes et 21 Grammes). On retrouve dans ce western la patte du scénariste mexicain: même type de construction, le passé, le présent et le futur se déroulant simultanément, avec un recours aux flash-back et un déroulement fréquemment présenté à travers différents points de vue.
On n'oubliera pas de sitôt les paysages, magnifiquement filmés par l'excellent opérateur qu'est Chris Menges: paysages inhospitaliers, lunaires et majestueux, alternance de canyons et de massifs montagneux, étendues de sable à perte de vue. La photo est splendide et le plaisir des yeux constant.
Tommy Lee Jones (Prix d'interprétation à Cannes), personnage sauvage et fou, tendre et fidèle aussi, joue du lasso et du fusil avec la même dextérité. Son visage fatigué laisse peu à peu filtrer ses sentiments cachés, révélant discrètement son émotion intérieure.
Western social et nostalgique, œuvre forte et complexe - on discerne ça et là quelques pistes de réflexion politique sur la condition des paysans mexicains, sur le racisme quotidien - le film fait parfois penser à Lone Star (de John Sayles). Et l'interprétation - très retenue - de Tommy Lee Jones se rapproche souvent, par certaines expressions du visage en particulier, d'un Clint Eastwood. Ce qui n'est pas peu dire.
Antoine Rochat
Antoine Rochat