Looking for Oum Kulthum

Affiche Looking for Oum Kulthum
Réalisé par Shirin Neshat
Pays de production Allemagne, Autriche, Italie, Maroc
Année 793
Durée
Musique Amine Bouhafa
Genre Biopic
Distributeur Cineworx
Acteurs Mehdi Moinzadeh, Neda Rahmanian, Yasmin Raeis
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 793

Critique

Après Women without Men (Lion d’argent à la Mostra de Venise, en 2009) la cinéaste iranienne livre un film biographique non conventionnel sur la légende de la musique du Moyen-Orient: la chanteuse égyptienne Oum Kulthoum (1898-1975). La popularité de cette artiste, peu connue en Occident, mais que le président Nasser décrivait comme «la quatrième pyramide d’Egypte», est indéniable, comme en témoignent les images d’archives de ses funérailles. Toutefois, Shirin Neshat se risque à proposer ici bien plus qu’un biopic en mêlant son propre parcours d’artiste dans une société où ce statut paraît presque irrecevable.

Si tout commence, après un long plan, silencieux et magnifique aux côtés de la star, par le casting de l’actrice destinée à interpréter la chanteuse mythique, le film s’intéresse de plus en plus à la réalisatrice Mitra, interprétée par l’actrice iranienne Neda Rahmanian, et accentue progressivement le poids pesant sur ses épaules. Elle qui rêve de tourner un film sur la diva arabe devient presque jalouse de son modèle qui sut garder la tête haute malgré toutes les embûches, politiques notamment. Car, comme pour mieux dévaloriser son travail, on reproche à Mitra sa vie privée et sa vision de Oum Kulthoum. Est-il vraiment permis de toucher à une telle icône lorsqu’on est une femme, non égyptienne, et ce dans un environnement d’hommes désireux de tout contrôler? Ainsi se tissent rêve et réalité en mêlant reconstitutions de moments historiques clés de l’Egypte des années 50-60 (la révolution, les protestations féministes, la fin de la monarchie) et tourments de Mitra, tiraillée entre des affaires familiales et son travail sur le plateau.

Il a hélas été impossible de reprendre, faute de qualité technique suffisante, les enregistrements originaux d’Oum Kulthoum. Aussi le compositeur Amine Bouhafa a-t-il reconstitué pour le film un orchestre avec une chanteuse contemporaine pour recréer les moments musicaux forts, comme par exemple les concerts de la chanteuse en hommage au roi Farouk et au président Nasser devant ses fans chantant avec elle. Cependant, lorsque la musique ne reprend pas les thèmes de la diva, elle devient parfois fort envahissante et nuit au propos de ce long métrage présentant un subtil jeu de miroirs entre le rappel d’une artiste exceptionnelle et la tentative d’une cinéaste.

Se pose donc la question des sacrifices nécessaires, voire imposés, à une carrière couronnée de succès dans une société conservatrice, machiste, voire castratrice. Tout comme en 1997 Al Pacino avait offert avec Looking for Richard une magnifique réflexion sur le théâtre et le jeu de l’acteur, Shirin Neshat interroge les conditions de création de l’artiste. Où la liberté d’expression véritable commence-t-elle, ou au contraire cesse-t-elle? Il est élevé le prix pour construire une œuvre, et plus encore si l’on est une femme et originaire du Moyen-Orient. Mais une œuvre forte ne finit-elle pas par s’imposer et faire tomber toutes les barrières, à l’instar d’une voix créatrice et porteuse d’une émotion sans égal, comme celle de l’immense Oum Kulthoum?


Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 14
Sabrina Schwob 15