Hitlers Hollywood

Affiche Hitlers Hollywood
Réalisé par Rüdiger Suchsland
Pays de production Allemagne,
Année 2017
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Cinémathèque suisse
Age légal 8 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 782

Critique

« Regarder des vieux films, c’est comme inspecter son propre passé » (Siegfried Kracauer, 1889-1966)

Cette phrase- tellement magnifique et pertinente- introduit ce documentaire, avec lequel Rüdiger Süchsland poursuit sa réflexion, initiée dans le film De Caligari à Hitler. Le cinéaste raconte l’une des périodes les plus importantes et dramatiques du cinéma allemand. Ouvrant sa boîte aux trésors, il propose des images d’archives en offrant d’emblée un extrait de On a tué Scherlock Holmes (Karl Hartl, 1937), suivi des sous-titres: « Le cinéma allemand au temps de la propagande 1933-1945 » ou encore « Quand Hitler faisait son cinéma 1933-1945 ».

Le choix de ces images au ton joyeux et léger n’est pas un hasard : en effet, à cette époque, le message donné au peuple se voulait optimiste et désirait surtout montrer à quel point les gens étaient heureux d’être allemands, et que grâce à cette nationalité, le bonheur serait toujours au rendez-vous.

Pour Hitler, le cinéma est avant tout une distraction et un divertissement mais surtout un instrument de communication privilégié à destination des masses. Il voulait offrir à la population un « grand cinéma », digne des productions hollywoodiennes, une sorte d’usine à rêves. La production cinématographique est donc confiée à Goebbels, ministre de l’éducation du peuple et de la propagande, qui exerce sa censure à tous les niveaux : les images sont bien sûr choisies, selon son propre système de critères et plus de deux milles personnes (juives, communistes, étrangers) sont interdits d’exercer.

Les films nazis étaient non seulement souvent parfaits techniquement mais le message était surtout destiné à faire rêver, à susciter des aspirations et des émotions, à rassurer en offrant un refuge. Par exemple, la mort est tout le temps présente dans les films de cette époque, mais elle est toujours heureuse : en effet, mourir pour la patrie ou être prêt à tuer pour son pays devait être une qualité nécessaire et suffisante pour le bonheur des gens. Le sacrifice devait être enraciné dans la mentalité collective.

Beaucoup d’argent et de forces étaient mis dans ces productions pour vendre cette idéologie. Les récits se révoltaient contre la modernité et représentaient le rêve d’une Allemagne intacte, parfaite, idéale, promise aux masses pures, soit de nationalité germanique. Il est vraiment intéressant d’analyser comment les stéréotypes de « l’ennemi » et les valeurs de l’amour et de la haine ont pu être insidieusement implémentées dans l’esprit des spectateurs à travers la projection d’images. Goebbels qui contrôlait absolument tout (radios, télévisions, cinéma, etc), s’appliquait à censurer tout ce qui pouvait inciter à l’anarchie. Peu à peu, les studios disparaissaient au profit de la UFA (Universum Film AG), qui devint une société nationalisée en 1937, la plus puissante d’Europe

Ce documentaire présente de nombreux et riches extraits savamment choisis dans lesquels le réalisateur revient sur le parcours de nombreux réalisateurs, acteurs et s’attardant sur des films ayant marqué l’histoire comme Le Juif Süss (Veit Harlan, 1940) : il montre l’impact que ces œuvres ont pu avoir non-seulement sur la population mais également sur le destin des professionnels ayant tourné à cette époque.  Rüdiger Suschsland révèle de manière brillante comment les nazies ont su mettre en scène leur idéologie, en l’enveloppant dans des illusions. Il offre une piste de réflexion au spectateur pour songer à l’impact que ces œuvres avaient sur la société, soit endoctriner les foules tout en anéantissant leur faculté de penser.


Nadia Roch

Appréciations

Nom Notes
Nadia Roch 20