Eldorado

Affiche Eldorado
Réalisé par Markus Imhoof
Titre original Eldorado
Pays de production Allemagne, Suisse
Année 2018
Durée
Musique Peter Scherer (III)
Genre Documentaire
Distributeur Frenetic
Age légal 8 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 790

Critique

Le réalisateur suisse Markus Imhoof a présenté Eldorado lors de la dernière Berlinale (hors compétition). Son film évoque un problème d’actualité, celui du sort des migrants débarquant en Europe, avec tous les drames qui endeuillent la Méditerranée. Un tableau saisissant, un documentaire intelligent et sensible.

Parallèlement le cinéaste revient également sur le problème migratoire en Suisse à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à travers des extraits du Ciné-Journal suisse et de plusieurs films documentaires. Il glisse aussi dans son film des souvenirs personnels d’enfance: ses parents avaient en effet recueilli pendant la guerre une jeune réfugiée italienne, Giovanna, qui était restée dans la famille Imhoof jusqu’à la fin du conflit. Markus (il avait 5 ans en 1946) avait continué par la suite à écrire à cette jeune fille (née en 1936) et cela jusqu’à son décès, en 1950. Ses souvenirs personnels, souvent émouvants, le cinéaste les associe à sa réflexion d’aujourd’hui.
Après avoir abordé en 1981 (avec La Barque est pleine) le problème des réfugiés se pressant aux frontières suisses entre 1939 et 1945, Markus Imhoof traite aujourd’hui de la question de la migration en mer Méditerranée, en direction de l’Italie et de la Suisse. «La barque est à nouveau pleine, dit-il. Je n’avais pas anticipé, il y a 35 ans, que le titre de mon film serait une nouvelle fois si concret et urgent, et que l’on devrait encore tourner un film à ce sujet.»
Eldorado accompagne ainsi plusieurs épisodes tragiques de l’opération «Mare Nostrum», en Italie. Et le cinéaste rend également compte de l’horreur de certains camps de réfugiés en Sicile et de l’exploitation qui y règne. Il parle aussi de la Suisse, de son organisation d’accueil, de sa bureaucratie et de ses règles contraignantes.
Le réalisateur a réussi à mettre en évidence ce qui se passe sur deux niveaux: d’un côté la relative froideur et la sécheresse de l’accueil qui accompagne l’arrivée des migrants et d’autre part l’émotion que contient les souvenirs et les vestiges (photos, lettres, etc.) du passé personnel et familial de Markus, lorsque Giovanna vivait en Suisse.
Eldorado n’est pas le premier long métrage qui parle du problème de l’immigration (on pense à Fuocoammare, par-delà Lampedusa, de Gianfranco Rosi, et Fortuna, de Germinal Roaux), et ce film ne changera certes pas le destin de ces hommes, femmes et enfants qui se retrouvent coincés en Italie. Le cinéaste réussit en revanche à faire quelque lumière sur des faits souvent méconnus ou cachés. Eldorado laisse entendre que derrière chaque tragédie de migrants se cachent beaucoup d’intérêts «parfaitement criminels», comme le déclare un syndicaliste (CGIL) qui a côtoyé des travailleurs clandestins exploités, à 30 euros par jour (mais la moitié est à reverser à la mafia), dans des champs de tomates du sud de l’Italie. Pour ne citer qu’un exemple.
Markus Imhoof se confronte également à la problématique des demandeurs d’asile, sur le territoire helvète, qui repartent volontairement avec une enveloppe de 3’000 francs ou sont rapatriés de force. Son constat est amer: il y a sans doute une part de responsabilité collective dans ces événements, dans le domaine de l’économie en particulier où l’on peine bien souvent à découvrir des signes d’une véritable solidarité, comme le montre l’une des dernières séquences du film (le retour d’un émigré sénégalais qui tente de produire du lait, alors que l’Europe casse les prix). Et de nous rappeler aussi que la vague de personnes échouées ne touche pas uniquement nos propres frontières, mais aussi celles du monde entier.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18
Georges Blanc 15