Mektoub My Love : Canto Uno

Affiche Mektoub My Love : Canto Uno
Réalisé par Abdellatif Kechiche
Titre original Mektoub my Love (Canto 1)
Pays de production France
Année 2016
Durée
Genre Drame, Romance
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Hafsia Herzi, Salim Kechiouche, Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Lou Luttiau, Alexia Chardard
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 786
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans un film très érotique, Kechiche étire le temps pour démontrer la superficialité d’une jeunesse avide de séduction. Mektoub devrait avoir un «Canto Due».

Amin (Shaïn Boumedine) vit à Paris où il veut devenir scénariste. Il revient à Sète pour les vacances d’été, dans sa famille et sa communauté tunisiennes. La ville est en pleine effervescence touristique et la jeunesse locale, obnubilée par la fête. Amin retrouve ses amis, dont Ophélie (Ophélie Bau), promise à un fiancé absent, et Tony (Salim Kechiouche), incorrigible dragueur. Toutefois, face à la joyeuse frivolité de ces bandes, il garde ses distances, joue les consolateurs et photographie ce qui peut inspirer son écriture.
Abdellatif Kechiche expose son sujet dès le générique: le contraste entre Amin et ce que sont devenus ses amis d’enfance. Le jeune homme longe à vélo le bord de la mer, entouré d’une belle lumière matinale et par la musique de Mozart. Il surprend Ophélie et Tony dans une relation sexuelle qui tient plus de l’érotisme que de l’amour. La scène est filmée méticuleusement, longuement, tandis que devant la porte, Amin n’ose pas s’annoncer.

Cet étirement caractérise chaque séquence, tournée comme en temps réel. La caméra semble livrée à ce qui se passe devant elle. Ces longueurs ne sont pas ennuyeuses; elles qualifient les personnages dont elles démontrent le vide par l’effet de leur insistance. Elles influencent aussi la narration, privée d’autre mouvement que celui, monotone, des allées et venues, de la maison à la plage, de la plage aux soirées en boîte.

Il y a tout de même un scénario, librement adapté d’un livre de François Bégaudeau, La Blessure, la vraie (2011). Cette blessure est le point central, présente tout au long du film. Les personnages se montrent avides de quelque chose qu’ils ne savent pas expliciter et, par conséquent, ne peuvent assouvir que par des plaisirs passagers. Il s’agit d’amour principalement, mais on est à l’âge où l’on s’amuse et ce qui domine est le jeu constant de séduction. Kechiche le traduit par de nombreux plans rapprochés sur les corps, sur un érotisme rayonnant qui frôle l’ingénuité.

Une autre blessure est celle d’Amin, timide et réservé, probablement inassouvi lui aussi mais d'une toute autre manière. Amin dont on ne sait finalement peu de choses, sinon qu’il est le seul à avoir de vrais projets d’avenir. Son sourire et sa gentillesse ne cachent pas une sorte de désillusion. Laquelle? Ce qu’il pourrait penser en tant qu’observateur, qui propose diverses interprétations au film.

L’une d’elle est le fossé ouvert entre le jeune homme qui veut développer sa singularité et ses amis d’enfance, jeunesse dorée, superficielle et hédoniste, largement stimulée par les parents. Entre la curiosité intelligente et généreuse du premier et une sorte de fatalisme – c’est le sens du terme arabe mektoub - qui enfonce les deuxièmes dans un laisser-vivre sans esprit critique, dans un bavardage vain, interminablement ressassé.

«Film de fesses», comme l’ont décrit certains journaux sans oublier d’en noter la qualité esthétique! Mektoub, My Love est bien sûr beaucoup plus que cela. Sa beauté tient au personnage qu’est Amin, au mystère de ses pensées, à son silence d’observateur bienveillant. L’été au bord de la mer, c’est en quelque sorte la célébration de la vie. Mais ici, cette célébration traîne avec elle une provocation sexuelle et une vacuité dangereuses. Amin y résiste un peu par timidité, sans doute aussi parce qu’il a mieux à faire. Quant aux autres, ont-ils un avenir au-delà de ces vacances?

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Georges Blanc 8
Nadia Roch 9
Sabrina Schwob 15