Los Perros

Affiche Los Perros
Réalisé par Marcela Said
Pays de production Chili, France
Année 2017
Durée
Musique Grégoire Auger
Genre Drame
Distributeur filmcoopi
Acteurs Alejandro Sieveking, Antonia Zegers, Alfredo Castro, Rafael Spregelburd, Elvis Fuentes
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le Chili s’est éloigné d’Augusto Pinochet, mais le passé est-il oublié? En creusant la question du mal, Marcela Said montre la difficulté d’affronter l’héritage.

Marcela Said ne dévoile pas d’entrée ses personnages. Ils arrivent à l’écran comme des étrangers et le public fait leur connaissance au fil de leurs réactions et des incidents qui marquent leur existence. Le principal d’entre eux est une femme dans la quarantaine, Mariana (Antonia Zegers). Orpheline de mère, elle adore son père, riche propriétaire terrien. Son occupation favorite est l’équitation qu’elle apprend avec un maître attentif (Alfredo Castro), ancien colonel.
Tout le film tourne autour de Mariana. Au cœur d’un Chili inégalitaire, elle connaît l’aisance des nantis. Son existence matérielle est comblée, sa vie affective l’est moins. Pour elle dont le caractère s’affirme indépendant et volontaire, insoumis au machisme ambiant, il ne sera pas plus facile d’y voir clair dans ses sentiments que dans le passé trouble de ses proches.

«J’ai toujours aimé traiter les nuances, les gris. La ligne qui sépare le bien du mal est plus fine qu’on ne l’imagine...» Elle a raison, ô combien, Marcela Said! Un point de vue comme le sien est d’autant plus précieux pour les spectateurs qu’il est rare dans l’ensemble de la production cinématographique.

Los Perros se défie de la facilité. En suivant Mariana dans tous ces gestes, il en fait apparaître les inquiétudes, les contradictions, la force ou la fragilité des sentiments qui l’attachent aux uns ou aux autres. Une fragilité et une force, au demeurant, qui ne correspondent pas toujours à ce qui semble évident à l’entourage.

Car tout le contexte est ambigu. Les maisons magnifiques, l’arrogance, le train de vie de ces personnages enrichis grâce à la dictature - les classes dirigeantes de naguère - conservent leur place au cœur d’une société tendue. Une bonne part de la population se souvient des atrocités commises sous la dictature de Pinochet. Les familles des victimes et les tortionnaires vivent toujours, mais trente ans plus tard on hésite à prononcer leur nom, beaucoup d’entre eux n’ont jamais été inquiétés.

Les plus jeunes, comme Mariana, perçoivent seulement le malaise persistant. C’est d’ailleurs elle, Mariana, qui personnifie la confusion douloureuse entre le besoin et la peur de savoir. C’est elle aussi qui risque de payer le plus cher la mise au jour des faits passés. C’est elle encore, finalement, qui affronte le choix de dénoncer aux dépens de ses sentiments, ou d’aimer aux dépens de la vérité.

La réalisatrice chilienne poursuit son personnage, le pousse à éclaircir les équivoques, le met au pied du mur. En même temps, elle démontre la diversité des attitudes face au passé. Le cynisme des uns et le remord des autres sont eux aussi à déchiffrer avec un souci de nuance. Le titre du film (les chiens) peut aussi bien évoquer l’animal qui accompagne Mariana partout, que, symboliquement, les victimes de la dictature.

Los Perros dresse une sorte de bilan de la société chilienne d’aujourd’hui, propriétaire d’un passé inavouable, d’une implication non assumée faute de travail de mémoire. Sa mise en scène tendue, son style sobre libèrent l’attention au profit de la grave question qu’il pose: comment appréhender le mal que la génération précédente nous laisse en héritage?

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Nadia Roch 17
Antoine Rochat 17