Derniers jours à La Havane

Affiche Derniers jours à La Havane
Réalisé par Fernando Pérez
Titre original Últimos Días en La Habana
Pays de production Cuba
Année 2017
Durée
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs orge Martinez, Patricio Wood, Gabriela Ramos, Cristian Jesús Pérez, Carmen Solar
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 780

Critique

Touchant, mesuré, magnifique, le nouveau film du réalisateur cubain donne une claque aux vantardises touristiques.

Cuba est l’un de ces pays dont le tourisme vante aveuglément la beauté des plages et la splendeur des hôtels. D’autres clichés évoquent le mambo et la salsa, ces rythmes qui ont révélé au monde le sens musical des habitants. Tout cela n’est que battage commercial. Parce qu’il est un artiste, le cinéaste Fernando Pérez préfère parler des réalités d’une île où il vit depuis septante-deux ans.

«J’essaie de voir la vie de manière réaliste; elle comporte de multiples facettes, elle est toujours en mouvement. Ces dernières années, les conditions de vie de la majorité des Cubains sont devenues beaucoup plus difficiles. Nombre de valeurs et aussi une certaine morale, qui comptaient il y a quinze ou vingt ans, ne sont plus que relatives. La difficile lutte quotidienne pour tenter de joindre les deux bouts les a quasiment fait disparaître.»

Últimos Días en La Habana a trouvé son décor naturel dans le centre de La Havane, dans les grands immeubles que la colonisation a oubliés. Splendides autrefois, ils sont devenus des labyrinthes en décomposition, sans eau courante. Des dizaines de personnes s’y entassent, se parlent d’un étage à l’autre, y génèrent une forme de commerce solidaire.  La pauvreté y frise la misère et comme le besoin met tout le monde à égalité, c’est lui qui soude le groupe.

Diego (Jorge Martinez) et Miguel (Patricio Wood) vivent dans l’un de ces solares. Diego est atteint du sida, il ne peut plus se lever et traîne ses journées à attendre son ami. Dès qu’il rentre de son travail de plongeur, Miguel s’occupe de lui, tout en étudiant l’anglais et en comptant l’argent qu’il épargne avec peine. Car il a un rêve, émigrer aux Etats-Unis.

Diego et Miguel ont des caractères totalement opposés. Le premier parle beaucoup, plaisante tout autant et gronde le second, morose, silencieux, cloué entre son rêve d’évasion et la lassitude de son existence. Autour d’eux gravitent des personnages aux ambitions diverses, les uns amis sincères et désintéressés, les autres, parents éloignés qui espèrent récupérer l’appartement. D’autres encore, menteurs ou profiteurs, toutefois prêts à donner de leur temps.
Le scénario tient en deux lignes, mais l’apport cinématographique est d’une grande richesse. Par la mise en scène d’abord qui ouvre le champ d’une relation étroite à un ensemble de personnes représentatives de la société cubaine. Par les images ensuite, témoins objectifs d’une vie cruelle avec laquelle on tente de composer. Ainsi la superbe séquence du taxi avec son conducteur.

Surtout, Fernando Pérez fait vivre le film par son sens du personnage, son art de construire des caractères solides, nuancés, diversifiés, à la psychologie complexe, des individus quasiment réels. Cette finesse d’analyse profite au thème de l’homosexualité, rarement traité avec autant de pudeur. De la même façon qu’à celui de la délinquance, montrée dans ses effets, mais aussi dans ses causes.  «Il ne s’agit pas de juger les gens, mais de les comprendre», rappelle le réalisateur.
Si bien que ce portrait cubain s’impose comme magnifié par ses résistances et ses résiliences. La joie nostalgique qui en émane ouvre des parenthèses à des larmes discrètes. Cuba, ce ne sont ni les plages, ni les hôtels de luxe. Cuba est une vie qui s’obstine.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Nadia Roch 16
Antoine Rochat 15