Bienvenue à Suburbicon

Affiche Bienvenue à Suburbicon
Réalisé par George Clooney
Titre original Suburbicon
Pays de production U.S.A.
Année 2017
Durée
Musique Alexandre Desplat
Genre Policier, Comédie
Distributeur elitefilms
Acteurs Matt Damon, Julianne Moore, Noah Jupe, Glenn Fleshler, Alex Hassell
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 781
Bande annonce (Allociné)

Critique

Une comédie, une farce, un drame familial, un film policier... Les frères Cohen, George Clooney et Grant Heslov mêlent tous les genres. Tous trouvent leur place dans les événements tortueux qui frappent une petite communauté étasunienne, si vigoureusement convaincue de son bon droit.

L’affaire se passe dans une banlieue soignée de Suburbicon. Les Lodge voient arriver de nouveaux voisins. Ils sont noirs, fait incongru dans ces Etats-Unis de 1959 où les Blancs vivent souverainement avec un idéal fait de maison, voiture, télévision et pelouse soigneusement tondue. La tension monte dans ce quartier idyllique, où les coupables ne sont pas ceux qu’on voudrait.

L’humour acerbe de Suburbicon contraste avec une réalisation méticuleuse, un décor idéal qui rappelle l’univers des poupées Barbie. Le scénario fait croire qu’il va développer le sujet de la haine raciale avant de s’introduire chez la douce et heureuse famille Lodge (Matt Damon et Julianne Moore). L’apparence se déflore peu à peu, tandis que s’avère le plan dessiné par les protagonistes.

L’intrigue se déroule lentement, le temps de laisser la sympathie s’affirmer en faveur des Lodge et de préparer le retournement de situation. Une intrigue plutôt embrouillée au demeurant, pas très subtile et dont les détails frisent consciemment le burlesque. Comme l’usage de peinture rouge qui prouve de façon démonstrative des meurtres commis hors champ.

Le rythme lent déflore parfois la surprise et la légèreté n’est pas toujours au rendez-vous. Un propos plus subtil ne servirait-il pas davantage la cause? Car la rhétorique défendue par les réalisateurs est claire et cette nouvelle comédie la confirme. Les Etats-Unis d’aujourd’hui n’ont pas changé. La haine raciale vient toujours au secours du «rêve américain», ce rêve tellement irréalisable qu’il faut bien lui trouver des boucs émissaires…

Geneviève Praplan


Bienvenue dans l'Amérique gangrénée et décadente, bienvenue à Suburbicon!

Le nouveau film de George Clooney s'ouvre sur une présentation, par un livret publicitaire, d'une bourgade des plus paisibles, en apparence - rappelant en ce point la séquence initiale de All That Heaven Allows (Douglas Sirk, 1955). Ses résidents réagissent avec véhémence et violence à l'installation d'une famille noire dans le voisinage ; l'hostilité à leur égard ne cessera de croître…Pourtant, ceci ne constitue que la toile de fond sur laquelle se dessine le véritable sujet du film: la névrose latente au sein d'une famille des plus respectables. A partir d'une indistinction déboussolante et très réussie entre plusieurs genres (thriller, comédie familiale, drame, drame politique), la trame narrative se dévoilera progressivement, suite à une intrusion d'agresseurs chez la famille Lodge. D'indices en indices, le spectateur qui adopte le point de vue du protagoniste principal, le jeune Nicky Lodge (Noah Jupe), découvre les sombres rouages d'une machinerie criminelle et puissamment meurtrière.Les acteurs sont tous excellents, particulièrement Oscar Isaac, méconnaissable en agent d'assurance opportuniste, et Matt Damon, dans le rôle de Monsieur Lodge, effacé, ridicule, prêt aux pires maux pour réaliser son rêve : s'installer dans un protectorat hollandais, avec une famille recomposée à souhait. C'est en somme, un raté qui ne va pas sans rappeler bon nombre des anti-héros des œuvres des frères Cohen, ici coscénaristes, par exemple Jerry Lundegaard (William H. Macy dans Fargo, 1995).

On relèvera également que le film est truffé de plaisants clins d'œil à Hitchcock, notamment à Vertigo (1958) et Psycho (1960); il repose par ailleurs sur une certaine utilisation du suspense propre aux œuvres du maître, créé par un déséquilibre entre la connaissance du spectateur - plein d'indices disséminés lui permettent d'anticiper malicieusement la suite des événements - et l'ignorance des personnages.S'il n'y a rien d'original dans la critique adressée à la société américaine – des boucs émissaires innocents, humiliés publiquement sont opposés à une famille de prime abord honnête – on sera sensible à la subtilité du montage alterné, laissant toujours en hors champ une violence plus cruelle encore que celle montrée à l'écran. Omniprésente, elle subit en effet un traitement ambivalent, venant soutenir le propos du film. Lorsqu'il s'agit de montrer la cruauté barbare, collective et donc presque anonyme des habitants à l'égard de la nouvelle famille, elle est traitée frontalement, tandis qu'elle est représentée avec une distance grotesque lorsqu’elle est commise par les protagonistes principaux, qui semblent la pratiquer avec indifférence, soulignant ainsi ce qu'elle a d'anodin pour ces derniers.

Dans la dernière séquence du film, l'insistance sur Nicky et le fils de la famille noire jouant à la balle d'un côté et l'autre d'une clôture semble nous plonger métaphoriquement de l'Amérique des années 50, celle de l'American Dream et de la ségrégation, à celle peut-être plus paranoïaque encore de Trump et de ses frontières emmurées.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 12
Sabrina Schwob 18
Georges Blanc 14
Serge Molla 14