Marvin ou la belle éducation

Affiche Marvin ou la belle éducation
Réalisé par Anne Fontaine
Pays de production France
Année 2016
Durée
Genre Drame
Distributeur pathefilms
Acteurs Grégory Gadebois, Vincent Macaigne, Catherine Salée, Finnegan Oldfield, Jules Porier
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 779
Bande annonce (Allociné)

Critique

C’est du côté d’Epinal et de Xertigny que la réalisatrice a filmé cette adaptation du roman semi-autobiographique d’Edouard Louis intitulé En finir avec Eddy Bellegueule, récit qui relate le parcours d’un adolescent homosexuel. A l’école, ce gosse entend tout à son sujet et subit tout. Il est tout à la fois le «squelette» en raison de sa maigreur, la «fiote» parce qu’il paraît s’intéresser peu aux filles. Il est celui que le demi-frère aîné rejette, alors que sa mère tente de tenir l’ensemble de la famille qui titube, de nourrir chacun et de ne pas énerver son mari aux tendances alcooliques. Autant dire que personne ne s’intéresse à ce garçon qui rase les murs jusqu’au jour où, inopinément, le voilà inséré pour une heure dans un groupe d’improvisation théâtrale du lycée. Et là, c’est le déclic. Ne sachant qu’improviser, il joue son quotidien et sa prestation est criante de vérité. Marvin Bijou est bon, il aime jouer, interpréter apprendre par cœur des textes, ce qu’a heureusement repéré la principale qui l’encourage à persévérer.

Son univers bascule et accentue sa quête d’identité, alors même que, côté paternel, on évoque l’homosexualité comme un «truc de dégénéré, une maladie mentale». Marvin est fragile, les tentations et les risques de se perdre sont forts, mais heureusement sur sa route quelques aînés inattendus veillent plus qu’ils ne surveillent. Il s’agit donc de «devenir quelqu’un d’autre, c’est-à-dire soi-même» et de ne pas se croire «bon à rien». A cet égard, le changement de patronyme sera particulièrement significatif, Marvin Bijou devenant Martin Clément.

Ce qui retient ici l’attention, c’est la manière délicate dont Anne Fontaine traite ce sujet sensible, sans voyeurisme et en évitant - ce qui n’est pas si fréquent - toute caricature. Elle a su trouver des comédiens sensibles et s’est entourée de figurants de la région pour les rôles secondaires. Les figures des parents et de la sœur de Marvin interrogent: victimes elles aussi? L’histoire de certains êtres peut être lourde, mais doit-elle forcément peser sur leurs descendants? Plutôt qu’accuser, ce film sensibilise à la fragilité de celui ou de celle dont l’identité est en pleine construction. La période de mue est une période critique qui, plus que toute autre, nécessite attention et respect, c’est-à-dire précisément ce qui manqua à Marvin, avant que, grâce à d’autres il puisse dire «je», ne trouve et ne réponde à sa vocation artistique.
L’interprétation forte de Jules Porier et Finnegan Oldfield, qui incarnent le garçon puis le jeune adulte, s’impose moins par leurs paroles que par ce qui monte de l’intérieur, cette souffrance indicible d’une altérité non reconnue. Trop de jeunes se droguent ou mettent fin à leur existence parce qu’ils ne sont pas reconnus et acceptés pour ce qu’ils sont, alors qu’ils ont tant de potentialités. Vienne le jour où un récit comme celui d’Edouard Louis ou un film comme celui-ci seront inutiles.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16
Georges Blanc 13