Western

Affiche Western
Réalisé par Valeska Grisebach
Pays de production Allemagne, Bulgarie, Autriche
Année 2017
Durée
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Meinhard Neumann, Reinhardt Wetrek, Syuleyman Alilov Letifov, Veneta Frangova, Vyara Borisova
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 799
Bande annonce (Allociné)

Critique

La réalisatrice allemande renouvelle le «western» en le transposant avec intelligence dans un chantier qui confronte ouvriers allemands et villageois bulgares.

Petite fille, à Berlin, la réalisatrice adorait regarder des westerns à la télévision, s’identifiant aux héros, ces hommes rudes qui n’avaient peur de rien. Plus tard, elle s’est rapprochée «du personnage masculin du western, ce genre par essence mâle, solitaire, souvent mélancolique. Cela concordait avec le thème de la xénophobie latente qui se manifeste parfois par un sentiment vague de force et de supériorité. J’étais intéressée par le moment où le mépris supplante l’empathie.»

Le western, Valeska Grisebach en donne aujourd’hui une interprétation originale. Ses «héros» sont des saisonniers venus d’ex-Allemagne de l’Est, envoyés au fin fond de la Bulgarie pour construire une centrale hydraulique. Ne connaissant rien du pays, ni de ses coutumes, ils font flotter le drapeau allemand au-dessus du campement qui leur sert de base.

Vincent (Reinhardt Wetrek), le chef du chantier et l’ouvrier Meinhard (Meinhard Neumann) ne s’aiment pas. Ils doivent pourtant vivre ensemble, avec leurs collègues, au cœur d’un paysage inconnu, splendide et quasi désert. Tandis que le chantier tombe en panne par manque d’eau, la nature éveille en eux le goût de l’aventure. La différence de langue et de mode de vie complique les contacts avec les habitants du lieu.

Transposés dans l’Europe contemporaine, les Indiens deviennent des villageois bulgares et les cow-boys des ouvriers allemands. Ces derniers sont fiers de leur civilisation qu’ils estiment être un modèle. En face d’eux, parmi les «Indiens» bulgares, plusieurs confondent toujours Allemand et nazi.
Ainsi se mettent en place deux types de confrontations. Celle entre Meinhard et Vincent est sourde, latente, instinctive. Celle entre les Allemands et les Bulgares est plus franche, de l’ordre de l’apprivoisement, avec ses ratés. Les personnages ne sont pas livrés d’une pièce, ils se découvrent au fil des incidents. Ce qui les habite - peurs, désir de liberté, souffrances intimes - entretient la méfiance.

Meinhard est celui qui se risque le premier à parler aux villageois, à tenter de trouver un terrain d’entente. Il est en quelque sorte le «héros» de ce western bulgare, bien que la réalisatrice ajuste fortement le sens du terme. Son héros n’est pas celui qui triomphe de tout, mais un homme en «quête d’indépendance et de liberté», habité par «l’idée de laisser tout derrière soi, d’être sans lien au moins pour quelque temps».

Tout est nuancé dans le regard de Valeska Grisebach. Les malentendus, les bévues, les gestes incompris font rarement l’objet d’une violence ouverte. Les sentiments se durcissent ou s’apaisent dans la retenue et les tensions se perçoivent à travers le jeu des acteurs, autant d’amateurs qui jouent plus ou moins leur propre rôle. Les relations se construisent autour d’un feu, devant un verre, au creux d’une chanson locale.

Ainsi, d’héroïque le «western» devient-il une sorte d’exploration des sentiments intimes face à l’incompréhension, sentiments qui s’assombrissent ou qui s’éclairent selon des détails souvent mal maitrisés par les protagonistes. Ce choc entre Allemands et Bulgares montre avec perspicacité la difficulté d’échanger dans un contexte linguistique et sociétal différent et ce qu’elle implique. Il n’y a pas de rencontre entre deux modes de vie sans qu’elle n’entraîne une transformation réciproque.

Geneviève Praplan


Ce film propose une thématique brûlante d’actualité, à savoir la rencontre entre deux cultures et deux langues différentes dans une Europe en plein doute.
L’action se passe au fin fond de la Bulgarie, dans un paysage sauvage. Sur ces terres logent, sur un chantier hydraulique, des ouvriers allemands, venus pour, comme ils le disent eux-mêmes, « faire du fric ». Ce sont des cow-boys des temps modernes, des conquérants aux manières parfois primitives, dont le comportement prouve une confiance illimitée en leur supériorité. La cohabitation avec les gens du village voisin est la thématique qui va nourrir l’histoire.

Meinhardt (Meinhardt Neumann) est un germanophone en marge du groupe qui tente de se rapprocher des autochtones. Ce personnage viril est énigmatique, à la fois gentleman et rustre, à l’allure d’un aventurer libre comme l’air, sans attaches. Il multiplie les approches intelligentes tout en étant confronté aux différences de mentalité et à la barrière de la langue. Peu à peu, il saura se faire respecter voire même apprécier, mais toujours en suscitant une méfiance, en restant « l’étranger ». Le lien tissé peu à peu reste en effet fragile, prêt à se rompre à tout moment, donnant au film une dimension de tension palpable et éprouvante.

Le reste du groupe multiplie les maladresses, comme hisser sur leur base un drapeau allemand qui rappelle des souvenirs de guerre. Si certains villageois décrivent « l’occupation par des soldats travailleurs, disciplinés et courtois », d’autres refusent tout contact et maintiennent une rivalité entre les deux communautés. Les sources d’embrouilles sont nombreuses, provoquées souvent par la stupidité des ouvriers agissant en territoire conquis : ils tentent de séduire les femmes du village, s’approprient de l’eau en douce en ouvrant des canalisations, provoquent des Bulgares au sang chaud lors de parties de poker.

Valeska Grisebach, qui avait travaillé sur le film Toni Erdmann présenté au festival de Cannes l’année dernière (2016), prend son temps pour poser l’intrigue… peut-être un peu trop car le film perd un peu son ton percutant suite à quelques longueurs… mais le sujet est passionnant et on ressort touché par la confrontation entre ces deux cultures. En résumé, la réalisatrice dira lors d’une interview : « Western est un titre parfaitement adapté à la situation du film, témoin d’une époque révolue mais qui semble persister dans certains pays reculés ».

Nadia Roch

Nadia Roch

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Nadia Roch 15
Serge Molla 16