Faute d’amour

Affiche Faute d’amour
Réalisé par Andrey Zvyagintsev
Pays de production Russie, France, Belgique, Allemagne
Année 2017
Durée
Musique Evgeny Galperin
Genre Drame
Distributeur cineworx
Acteurs Alexey Rozin, Maryana Spivak, Marina Vasilyeva, Matvey Novikov, Andris Keishs
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 775
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans la Russie d’aujourd’hui un mari et une femme au bord du divorce font face à la disparition inexpliquée de leur fils de 12 ans. Description d’un monde où le bonheur d’un enfant passe après l’épanouissement de ses parents.

Le cinéaste Andrey Zvyagintsev a souvent choisi de parler de drames affectant des familles: Le Retour (Lion d’Or, Venise 2003), Le Bannissement (Prix d’interprétation masculine, Cannes 2007), Elena (Prix Un Certain Regard, Cannes 2011), et plus récemment le très beau Léviathan, autant de tableaux familiaux tragiques, autant de films qui ont marqué le cinéma russe de ces dernières années, le réalisateur sachant poser un regard implacable sur les couples et leurs enfants, et sur la société russe dans laquelle ils vivent aujourd’hui.

Un jeune garçon de 12 ans, Alyosha (Matvey Novikov), entend ses parents se disputer et pleure derrière une porte. Et pendant que son père et sa mère vivent chacun le début d’une nouvelle liaison tout en ne manifestant pas le moindre intérêt pour lui, il décide de les quitter.

Le constat fait par le cinéaste est amer: la société actuelle est minée par un individualisme omniprésent, rongée par des images de toutes sortes (jeux vidéos et portables porteurs de distractions futiles) et par un égoïsme forcené. La dérive sociale n’est pas loin.

Zvyagintsev ne condamne pas tant les parents qu’il ne dresse un constat désabusé et plus large sur un monde qui paraît sans conscience, résolument matérialiste et souvent déshumanisé. Il ne lésine pas d’ailleurs sur les exemples concrets d’égoïsme et de stupidité: on pense à la scène où un patron d’une grosse boîte industrielle, présenté d’ailleurs comme un chrétien intégriste, dit prendre la liberté de licencier un employé au prétexte qu’il va divorcer.

Faute d’amour est une description amère, par moments atroce, de rapports familiaux (et humains) délétères. En ce sens la disparition de l’enfant va au-delà du fait divers et son geste devient comme un acte de refus, de résistance, comme la seule manière de ne pas accepter une vie sans aucun signe d’affection. Dans cette société très avare d’amour, seul un groupe de bénévoles spécialisés dans la recherche de personnes disparues semble échapper à la critique et manifester un tant soit peu de générosité.

Zvyagintsev maîtrise parfaitement son propos: mise en scène très étudiée (certaines scènes d’affrontement sont terrifiantes d’efficacité), utilisation pertinente des travellings, cadrage précis des images et des plans (en leur conférant parfois une forme de durée qui les rend insoutenables), tout est de qualité. Les décors (paysages forestiers froids et neigeux, ou appartements urbains luxueux et glacés) sont tous chargés de sens et porteurs d’une touche picturale évidente. L’émotion est présente, perturbée parfois par quelques zestes de grandiloquence. Ou peut-être par une place trop importante donnée à l’enquête qui suit la disparition de l’enfant, avec de grands déploiements policiers, alors que l’essentiel se trouve ailleurs.

Faute d’amour est un film remarquable et amer: la critique du cinéaste russe laisse entendre qu’il ne reste guère de points positifs dans le fonctionnement de la société d’aujourd’hui, comme si son pays était rongé de l’intérieur et que la génération actuelle avait hérité de la haine reçue de la précédente et se repliait sur elle-même.

Comme s’il ne subsistait plus grand-chose de ce qui paraît essentiel au réalisateur, à savoir une certaine qualité de l’âme, qu’elle soit russe ou universelle…

Antoine Rochat


Aveuglement au rendez-vous. Elle et lui ne se supportent plus et ne se privent pas de se le rappeler mutuellement, voire de se le hurler, ce qu’Aliocha, leur fils de 11-12 ans a (trop) bien perçu. Le garçon a même compris, et surtout intériorisé, qu’il gêne, voire qu’il perturbe les nouvelles vies projetées de ses géniteurs. Ne ferait-il pas mieux de disparaître pour arranger tout le monde ? Son père est en effet sur le point de fonder un nouveau couple avec une jeune femme enceinte de lui, et sa mère désireuse de vivre une nouvelle aventure conjugale avec un riche divorcé dont la fille adulte réside en Espagne. On visite leur appartement commun sur le point d’être vendu. Les changements radicaux sont donc imminents, lorsqu’Aliocha effectivement disparaît. Fugue ? Enlèvement ?  Ne pouvant compter sur la police incapable, le couple, soutenu et aidé avec efficacité par un groupe bénévole spécialisé dans la recherche de personnes disparues, s’active inlassablement pour retrouver l’enfant. En vain. Se cache-t-il à la « base » dont il parle sur Facebook avec des camarades d’école ? Aurait-il rejoint sa grand-mère à la campagne ou … ?

Les relations humaines de cette famille font froid dans le dos : lorsqu’on se préoccupe de sentiments, ce n’est que des siens. Du coup, elle et lui sont d’autant plus obnubilés par l’amour qu’ils recherchent (et croient avoir trouvé) qu’ils se montrent aveugles ou indifférents à celui dont leur enfant n’a pas bénéficié. Attitudes et gestes, silences et dialogues attestent du degré zéro de la relation. Et si la neige tombe en finale, serait-ce pour faire croire que tout peut se cacher et augurer d’un nouveau départ ? Pas sûr que le réalisateur du Retour et du Léviathan en soit vraiment convaincu, vu le climat glacial de son film qui laisse ouverte la question du destin funeste, voire de la mort, d’Aliocha.

Serge Molla

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 17
Serge Molla 18
Anne-Béatrice Schwab 18
Geneviève Praplan 18
Georges Blanc 16