Pas vu, pas pris

Affiche Pas vu, pas pris
Réalisé par Pierre Carles
Pays de production France
Année 1995
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Cara M.
Acteurs Francois Leotard, Alain Duhamel, Anne Sinclair, Francois-Henri de Virieu, Bernard Benyamin
N° cinéfeuilles 361

Critique

"En paraphrasant Magritte, ""ceci n'est pas un film"". C'est une sorte de documentaire initialement intitulé PAS VU A LA TELE, destiné à Canal+, dans lequel un aigri tente de régler ses comptes avec des vedettes du PAF (pour rappel: paysage audiovisuel français).

Tout part de l'enregistrement inopiné d'une discussion privée entre Etienne Mougeotte, cadre supérieur de TF1, et François Léotard, alors ministre de la défense, enregistrement fait à leur insu avant celui d'une interview devant passer sur la chaîne privée.

Le papotage montre une certaine connivence entre les deux hommes. En voulant dénoncer ce fait, Pierre Carles enfonce une porte largement ouverte: en France, comme en Suisse d'ailleurs, à force de se côtoyer, journalistes et hommes politiques finissent fatalement par vivre une complicité amicale. Comme le dit au demeurant Jacques Chancel au réalisateur: ""Vous verrez: vous êtes jeune et, dans une quinzaine d'années, vous deviendrez à votre tour celui qui tutoie les grands personnages"".

Nanti de son enregistrement pirate, Pierre Carles rencontre Patrick Poivre D'Arvor, Anne Sinclair, Charles Villeneuve, François-Henri de Virieu, Bernard Benyamin, Philippe Dana, Karl Zéro et autres stars du petit écran français. Le bec enfariné, il leur demande si on peut tout montrer à la télévision; comme ils répondent qu'il n'y a pas de sujet tabou, il sort un mini-lecteur vidéo et présente le document indiscret. Réaction quasi unanime: ce n'est pas diffusable.

Le ""film"" se veut un réquisitoire contre le journalisme carpette. Rien de nouveau sous le soleil; plus un journaliste est proche kilométriquement d'une personnalité politique, plus il est indulgent à son égard; il est plus facile à un quotidien romand de vilipender le président des Etats-Unis que de fustiger un conseiller fédéral.

Un sentiment de malaise saisit le spectateur - on devrait plutôt dire le voyeur -, car la méthode utilisée par le réalisateur est une tricherie. Les images ont été le plus souvent tournées en cachette, elles sont d'ailleurs de piètre qualité.

On pourrait dire que c'est la réponse du berger à la bergère, car il est vrai que les chaînes de télévision ne s'embarrassent pas toujours de scrupules éthiques, manipulant et dramatisant à souhait les sujets (sans parler de CNN et de la guerre du Golfe, il suffit de zapper et de comparer le traitement réservé à des images d'actualité identiques). Mais le propos aurait été autrement plus fort si Pierre Carles avait opéré à visage découvert."

Daniel Grivel