Réalisé par | Jean-Stéphane Bron |
Pays de production | France |
Année | 2016 |
Durée | |
Genre | Documentaire, Musical |
Distributeur | frenetic |
Acteurs | Jennifer Peedom |
Age légal | 6 ans |
Age suggéré | 12 ans |
N° cinéfeuilles | 766 |
«Avec L’Expérience Blocher, je sortais d’un documentaire sombre, pessimiste, j’avais envie d’aller contre cette noirceur, vers une réparation, une célébration, vers des forces dionysiaques, vitales.» Cela a été L’Opéra de Paris, escale d’une année pendant laquelle Jean-Stéphane Bron a pu savourer le bonheur de l’art.
C’est l’une des scènes les plus prestigieuses du monde. Le réalisateur suisse s’y est installé en janvier 2015, sans afficher sa caméra pour commencer, le temps de faire connaissance. Un nouveau directeur, Stéphane Lissner, un nouveau patron du corps de ballet, Benjamin Millepied, y étaient à l’œuvre depuis quelques mois. «C’était une situation d’autant plus intéressante que je ne connais rien à l’opéra, nià son fonctionnement, ni au ballet, ni à l’art lyrique en général...»
C’est donc une caméra curieuse, attentive et réceptive qui furète partout. Il n’y a pas de dialogues entre elle et les protagonistes, pas de commentaires, elle n’est qu’un témoin. Les seules paroles s’échangent entre les différents professionnels. Une voix domine pourtant, celle de la musique qui, autant que stimuler les enthousiasmes, semble adoucir les difficultés.
Elles ne manquent pas. Ainsi les attentats de Paris, en novembre, qui assombrissent l’ouverture de la saison. Il y a les soucis quotidiens, un budget rétréci, des grèves qui ébranlent les représentations…. Et encore, plus intimes, le trac des artistes, leurs joies, la fatigue, la maladie qui impose unerelève au pied levé deux jours avant la première…
Au passage du cinéaste, le hasard fait parfois bien les choses en offrant des séquences rares. Ains il’audition du jeune Russe Mikhaïl Timoshenko dont la belle voix de baryton-basse va passer le cap de la sélection. La présence du chanteur ne dominera pas le film pour autant; pas plus que celle d’autres protagonistes, comme celle du talentueux chef suisse Philippe Jordan. Car Bron ne cherche pas les vedettes, mais l’esprit du lieu. C’est une grande qualité de son film.
Une autre, paradoxalement, est sa méconnaissance de l’institution. Cet œil neuf, ce regardfrais et curieux est le même que celui de ceux qui, parmi le public de cinéma,approcherontgrâce à lui la magie de la création, le perfectionnisme qui anime les professionnels. Costumiers, choristes, administrateurs, danseurs, nettoyeurs, musiciens…le cinéaste n’oublie personne, le travail de chacun contribue à la beauté du spectacle.
Cette perspective-là est la bonne.Pour preuve, lorsqu’il est interviewé par le journal Le Monde, Stéphane Lissner reprends les propos de Jean-Stéphane Bron qui, dit-il, résument sa pensée: «L’Opéra est un lieu d’excellence où seul compte le résultat final, tout spectacle doit être parfait, la saison doit être réussie. Ces objectifs s’incarnent dans la douleur et la difficulté mais ils sont portés par un profond désir. Or, le désir qui anime cette tour d’ivoire me semble être précisément ce qui fait cruellement défaut à l’extérieur, dans nos sociétés qui n’arrivent plus ou très difficilement à s’inventer un avenir commun.»
Geneviève Praplan