Voyage à travers le cinéma français

Affiche Voyage à travers le cinéma français
Réalisé par Bertrand Tavernier
Pays de production France
Année 2016
Durée
Musique Bruno Coulais
Genre Documentaire
Distributeur pathefilms
Acteurs André Marcon, Bertrand Tavernier
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 760
Bande annonce (Allociné)

Critique

Rappelons tout d’abord que Bertrand Tavernier n’est pas qu’un cinéaste et un scénariste brillant qui nous propose depuis des décennies une œuvre riche, engagée et diversifiée, avec des films aussi excellents que Le juge et l’assassin, L.627, La vie et rien d’autre ou L’horloger de Saint-Paul. Il est aussi, parmi les cinéphiles, celui qui possède la connaissance encyclopédique la plus vaste qui soit. De plus en plus de DVD contiennent d’ailleurs dans leur bonus une interview de Tavernier racontant de multiples anecdotes passionnantes sur les cinéastes, les auteurs, les acteurs ou les techniciens, et sur le cinéma en général. On peut également lire plusieurs de ses ouvrages, dont le splendide Amis américains, un gigantesque pavé racontant de la manière la plus complète et la plus ludique qui soit les cinéastes d’outre atlantique.

Tavernier nous propose donc ce film de plus de trois heures pour nous parler de ce et de ceux qu’il aime, en nous proposant une histoire du cinéma français à travers ses commentaires d’une multitude de scènes extraites de films plus ou moins connus. C’est passionnant de bout en bout. Pas de fil rouge thématique ou chronologique, le cinéaste nous montre les films qu’il a aimés, étudiés, les films qui l’ont fait, et cela dès son enfance. Il s’attarde sur l’œuvre de Jacques Becker pour bien nous rappeler qu’il n’y a pas eu que Casque d’or. Il nous fait une analyse très fine des films de Melville, de Sautet, des cinéastes qu’il a bien connus, et consacre un long et délicieux moment à Jean Gabin.

Nul besoin toutefois de tout connaître pour se régaler. Comme il l’a toujours fait, Tavernier se contente de parler avec passion et flamme, et cela s’adresse à tous, du spectateur occasionnel au cinéphile acharné. Les anecdotes piquantes succèdent à l’explication du contexte historique dans lequel fut tourné La grande illusion. On y apprend également des choses très touchantes: le célèbre "Il n’y a pas d’amour heureux" fut écrit par Aragon pour la mère de Tavernier, alors que la famille cachait le poète et sa compagne Elsa Triolet dans leur cave pendant la guerre.

Tavernier nous montre donc l’envers de l’écran avec un enthousiasme communicatif, et nous rappelle au passage quelques noms oubliés. Il nous montre, comme disait Renoir, les petits côtés des grands moments. Il rend un hommage amusé à Eddie Constantine qui fut, malgré son talent d’acteur limité, le représentant d’un cinéma populaire à une époque ou les scénaristes français confondaient légèreté narrative et absence de scénario. Il lui arrive aussi, bien sûr, de faire quelques critiques bien envoyées. Mais contrairement à ses collègues de la Nouvelle Vague qui, Truffaut en tête, s’appliquaient à assassiner ceux qui les avaient précédés, Tavernier le fait toujours avec mesure et compréhension. Merci à lui de nous faire partager sa passion de cette belle manière, faisant passer ces trois heures comme un rêve très bref. Le cinéaste annonce qu’il n’en restera pas là, et prépare une série qui continuera ce film. On se réjouit donc de pouvoir à nouveau nous suspendre à ses lèvres de génial conteur et de l’entendre nous parler de Clouzot, de Verneuil, de Granier-Deferre… et de tant d’autres.

Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 18
Serge Molla 18
Georges Blanc 19
Anne-Béatrice Schwab 19