Homme sans ombre (L')

Affiche Homme sans ombre (L')
Réalisé par Paul Verhoeven
Pays de production Allemagne, U.S.A.
Année 2000
Durée
Musique Jerry Goldsmith
Genre Thriller, Action, Epouvante-horreur
Distributeur Columbia TriStar Films
Acteurs Kevin Bacon, Josh Brolin, Elisabeth Shue, Kim Dickens, Greg Grunberg
N° cinéfeuilles 399
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le réalisateur hollandais Paul Verhoeven œuvre depuis quinze ans aux Etats-Unis. Il n’est pas un fabricant de films à la chaîne: en moyenne un tous les deux ou trois ans. Ses derniers titres ont été des succès: ROBOCOP, TOTAL RECALL, BASIC INSTINCT, SHOWGIRLS, STARSHIP TROO­PERS, et son nouveau film, HOLLOW MAN («L’homme creux», platement traduit en «L’homme sans ombre»), bien que traitant d’un homme invisible, a des chances de ne pas passer inaperçu… En effet, ce thriller de science-fiction va plus loin que les effets spéciaux, au demeurant sensationnels, dont il est truffé. Coup de chapeau aux spécialistes: la vision du sérum bleu rendant peu à peu apparent le système circulatoire d’un être transparent est saisissante, et les différentes étapes d’une invisibilité progressive («dénudage» des muscles, des viscères, du squelette) fait penser à ces modèles anatomiques en cire d’un musée florentin ou à ces cadavres dont l’exposition à Bâle a défrayé la chronique.

On peut dire que le thème de l’invisibilité titille l’homme depuis des temps immémoriaux et a suscité nombre de contes et de récits fantastiques. De Platon à H. G. Wells en passant par Faust, beaucoup ont rêvé de l’impunité assurée par le fait d’échapper au regard des autres. C’est ainsi que Verhoeven s’intéresse plus aux conséquences morales de l’invisibilité qu’à des artifices permettant de faire se déplacer des objets sans cause apparente.

Sebastian Caine (Kevin Bacon) est un savant brillant mais instable qui, avec son équipe, planche sur un projet ultra secret commandité par le Pentagone: par des manipulations de l’ADN, il s’agit de rendre invisible un être humain, puis le ramener à son état antérieur. Les essais sur des animaux ayant semblé concluants, Sebastian décide de contrevenir au protocole scientifique et de tester sur lui-même le sérum qu’il a mis au point. L’expérience réussit, mais n’est malheureusement pas réversible, et voilà le cobaye humain prisonnier de son invisibilité. En attendant, ses collègues font un moulage de sa tête et de ses mains et en tirent des masques en latex couleur peau, ce qui lui permet, une fois habillé, d’avoir allure humaine - encore que les ouvertures lui permettant de voir et de parler ne donnent que sur un vide creux. Le résultat est assez effrayant. Sebastian profite de son état pour s’évader du laboratoire souterrain et donner libre cours à ses pulsions les plus obscures.

C’est ainsi qu’il s’introduit - dans tous les sens du terme - clandestinement chez une jolie voisine d’en face qu’il avait l’habitude de guigner lorsqu’elle se préparait à aller au lit. Et c’est ainsi qu’il apprend que les chefs du projet ont décidé d’abandonner la recherche, et qu’il fera tout pour les empêcher de concrétiser leur intention.

Le risque était grand de faire du spectateur un voyeur mais, en narrateur malin, Verhoeven se contente de suggérer et confie le reste à votre imagination. Sans se laisser ligoter par le complexe appareillage des effets spéciaux, il mène le récit tam­bour battant, maniant ellipses et raccourcis avec virtuosité, jouant admirablement des images et des reflets. Kevin Bacon réussit le tour de force d’être présent malgré son invisibilité… et Elisabeth Shue, dans le rôle de Linda McKay, collègue et ex-petite amie du savant qui se prend pour Dieu, campe avec assurance une femme outrageuse et énergique: ce n’est pas à cause d’elle que l’homme a succombé à la tentation, et c’est grâce à elle que tout rentrera dans l’ordre. Les seconds rôles ne déméritent pas.

Daniel Grivel