Dans les limbes

Selon la doctrine catholique, les limbes sont le lieu où sont recueillis les enfant smorts sans avoir été baptisés. Le terme est repris par la science informatique qui y conserve les données effacées par les utilisateurs. Les limbes informatiques sont un immense centre de données, archivant des millions de pages et de photos jamais triées, simplement entreposées, sans même que soit calculée l’énergie dévorée par cette entreprise.

Le jeune cinéaste français Antoine Viviani est d’abord un artiste. Après son premier long métrage In Situ consacré à l’espace urbain selon divers points de vue artistiques et philosophiques, Dans les limbes ouvre donc la porte des limbes informatiques. Rêverie, conte philosophique oudocumentaire poétique, ce deuxième film joue avec différents témoignages illustrés par une image créée de toute pièce. En guise de fil conducteur, une voix hors champs se présente comme celle de la machine devenue la mémoire de l’humanité.

A partir de cet univers étrange, parfois très beau, les réflexions émergent. De multiples questions se posent sur ce système qui s’est mis en place malgré l’individu moyen. Il n’y a pas de débat entre, par exemple, un scientifique et un philosophe. Ni d’explications sur le système, ses avantages, encore moins sur ses conséquences vertigineuses. Tout se passe entre le film et le spectateur, ce dernier stimulé notamment par la voix de la mémoire.

Rien dans le monde nouveau qui s’offre à l’être humain ne semble maîtrisable, à commencer par la rapidité de son évolution. Les innovations s’accumulent avant même que chacun n’ait eu le loisir de réfléchir à leur utilité et à leur sens. Selon un témoignage du film, il y a là un phénomène proche de la religion, dans le sens que la religion est une réponse à l’angoisse humaine. Certes! Mais aujourd’hui, les dieux ne sont plus les mêmes.