Gemini

Affiche Gemini
Réalisé par Shinya Tsukamoto
Pays de production Japon
Année 1999
Durée
Musique Chu Ishikawa
Genre Drame, Thriller
Distributeur Haut et Court
Acteurs Masahiro Motoki, Yasutaka Tsutsui, Shiho Fujimara, Shiho Fujimura, Ryô
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 403
Bande annonce (Allociné)

Critique

Savez-vous qui est Edogawa Rampo? Prononcez ce nom à haute voix, et vous découvrirez que c'est la version japonisée d'Edgar Allan Poe... Rampo était un auteur populaire au Japon, connu pour ses romans fantastiques et ses séries policières pour enfants. Comme son titre l'indique, GEMINI raconte l'histoire de jumeaux, Yukio et Shakichi, incarnés ici par le même Masahiro Motoki.

Rampo imagine que deux fils naissent au début de ce siècle dans une famille aisée, celle d'un médecin (à l'époque, et aujourd'hui encore paraît-il, le médecin jouit d'un statut exceptionnel au Japon - il est véritablement, si l'on peut dire, un mandarin...) Shakichi, déparé par une tache de naissance, est rejeté; comme Moïse, il est mis à l'eau dans son couffin puis recueilli dans les bas-quartiers et élevé par des prolétaires. Pour Yukio en revanche, c'est le paradis, luxe, calme et volupté, maison confortable, épouse séduisante, position sociale éminente.

Mais ce monde lisse, policé, harmonieux et serein commence à se lézarder insidieusement. Des senteurs nauséabondes se dégagent des recoins de la maison, une maladie infectieuse rôde, le père meurt dans des circonstances obscures, des intrus inquiétants apparaissent. Au fond du puits du jardin végète un être ressemblant comme une goutte d'eau trouble au jeune médecin. Qui est qui? Qui couche avec l'épouse? Qui torture le prisonnier? Qui est Caïn, qui est Abel?

Tsukamoto refuse le monde manichéen imposé par le raisonnement binaire de l'ordinateur. Comme il l'explique à propos du film LA LIGNE VERTE, il n'y a pas d'un côté les personnages ouvertement gentils à la Tom Hanks ni de l'autre les affreux méchants: bien et mal peuvent coexister en un seul homme. Et c'est ainsi que, à la fin de GEMINI, l'aseptique Yukio, converti par son cadet imparfait, prend sa trousse pour aller soigner les pestiférés des bas-quartiers.

Au-delà de la beauté formelle des images, des décors, de la musique, et de l'interprétation au rasoir, Tsukamoto délivre une fable qui dépasse l'exotisme nippon.

Daniel Grivel