Aux yeux de tous

L’Amérique aime à reprendre les films à sa sauce, que ce soit les siens ou ceux des autres. Six ans après le magnifique Dans ses yeux de Campanella, Billy Ray nous propose sa version, avec 11 septembre et FBI en toile de fond. L’histoire ne se démarque guère : Ray (ChiwetelEjiofor, admirable) se replonge dans une affaire de meurtre qui a fait basculer sa vie et celle de ses collègues treize ans auparavant. Alors qu’une piste nouvelle semble émerger, il revient sur les lieux, où il retrouve Jess (Julia Roberts), son ancienne partenaire de travail, et surtout Claire (Nicole Kidman), alors cheffe de l’équipe, qu’il n’a jamais cesséd’aimer.

Aux yeux de tous (encore une nouvelle traduction française étrange) se présente comme un thriller serré, au rythme haletant et bien filmé dans l’ensemble. Toutefois, il ne réussit que dans les moments où il se détache de l’œuvre de base. Les divers déplacements narratifs opérés par le réalisateur – également responsable du scénario – fonctionnent généralement, notamment tout ce qui touche au personnage de Julia Roberts (excellente), ici directement concernée par le meurtre. Cet ajout rend en revanche complètement superflue la relation entre Ray et Claire, alors que l’histoire d’amour contribuait largement au bouleversement magnifique de Dans ses yeux.

Billy Ray aurait mieux fait de supprimer cette ligne plutôt que d’en conserver de pâles fragments, aussi peu convainquant que le jeu de Nicole Kidman. La même déception pointe devant les quelques scènes-clé reprises au film de Campanella, modifiées juste assez pour perdre leur force d’origine et sembler accolées au récit plutôt qu’intégrées. Ainsi, Aux yeux de tous n’est pas un mauvais thriller, porté qu’il est par ses deux acteurs principaux et par une image soignée et originale. Ceux qui n’ont pas été transportés par son modèle passeront certainement un bon moment. Quant aux autres, ils ne pourront qu’être un peu déçus.