A peine j’ouvre les yeux

Affiche A peine j’ouvre les yeux
Réalisé par Leyla Bouzid
Titre original As I open my eyes
Pays de production France, Tunisie, Belgique, Emirats Arabes Unis
Année 2015
Durée
Musique Khyam Allami
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Baya Medhaffar, Ghalia Benali, Montassar Ayari, Aymen Omrani, Lassaad Jamoussi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 741
Bande annonce (Allociné)

Critique

Devenir une adulte responsable, tout en bravant les interdits,  y compris politiques, c’est le chemin d’arête qu’emprunte une jeune tunisienne.
Tunis, 2010, le régime de Ben Ali est encore en place pour peu de temps. Farah (Baya Medhaffer) vient de décrocher son bac et rêve, au désespoir de sa mère, de se lancer en musicologie (plutôt qu’en médecine) et de chanter dans son groupe de musique rock’n’roll arabe dontBorhène (MontassarAyari), le bassiste-compositeur, est aussi son amoureux. Elle chante et proclame à qui veut l’entendre:« À peine j'ouvre les yeux, je vois des gens éteints, coincés dans la sueur, les larmes sont salées, leur sang est volé et leurs rêves délavés. Sur leur dos, on construit des châteaux».Cette musique ne passe bien sûr pas sur les ondes, mais elle se faufile dans les ruelles et rejoint toute une jeunesse en attente. Rien ne la retient à l’instar des rythmes qui la composent et du oud ( ?) qui traduit son identité. Inutile de dire que chanter engage dangereusement, et certainement plus que la jeune fille ne l’imagine. Mais suivra-t-elle les conseils de Hayet (Ghalia Benali), sa mère qui aimerait tant la protéger suite à l’avertissement d’un ami qui lui a confié : « Ta fille fréquente des jeunes connus de la police… »? Ecoutera-t-elle celle qui, au même âge, portait des rêves analogues et qui aujourd’hui mesure lesrisquesauxquels sa fille affranchie s’expose ? Farah, cette Sophie Marceau sortie d’une « boum orientale », résistera-t-elle ? Son apprentissage de vie, où trahison et déception ne vont pas lui être épargnées, est l'une de ces trajectoires qui expliquent le Printemps arabe à venir.

Pour son premier long-métrage, Leyla Bouzid – fille de Nouri Bouzid, réalisateur de L'Homme de cendres (1986) –se souvient et évoque avec sensibilité la Tunisie d'avant, ses peurs, ses paranoïas, ses impasses, la violence faite aux femmes… «J’avais envie du haut de mes 30 ans, explique la réalisatrice, d’être un porte-parole d’une génération qui n’est pas très représentée et qui pourtant fait l’énergie de tout ce qui s’est passé historiquement dans les pays arabes. Je parle de ces jeunes très modernes, très créatifs et qu’on ne voit jamais, parce qu’il y en a d’autres qui prennent toute la place». Pas d’islamisme ni de terroriste en herbe dans cette belle réussite, à la fois mélancolique et rageuse, à l'image de Farah dont la force vitaleirradie chaque plan. En cercles concentriques, centrifuges puis centripètes, le film commenceavec pudeur dans l’intimité de la sensuelle Farah, s’élargit progressivement, puis se referme, se concentrant à nouveau sur cette jeune femme qui demain...

Cette réalisation a déjà été couronnée de plusieurs prix, dont Le coup de cœur au Festival de Venise (Prix du public & Label Europa Cinemas), le Prix du public, prix du jury, et  le Prix de la meilleure interprétation féminine au Festival du film de Bastia.
Note

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 15
Anne-Béatrice Schwab 14
Georges Blanc 14
Nadia Roch 10
Antoine Rochat 16