Allende mon grand-père

11 septembre  1973, coup d’état au Chili, qui voit le renversement et la mort du premier président socialiste démocratiquement élu : Salvator Allende. Dès le lendemain, « Monsieur tout le monde » aux épaisses lunettes noires,  devient le symbole de la démocratie, alors que sa veuve et les siens sont contraints de s’exiler pour de nombreuses années.

Aujourd’hui, sa petite-fille tente de découvrir qui était vraiment son grand-père, au-delà des clichés et de toutes les idées préconçues sur son aïeul. Marcia Tambutti Allende commence pour cela par tenter de récupérer des documents d’archives, les images personnelles de Chicho (surnom d’Allende dans la famille), les photos et albums de famille. Elle a également multiplié les rencontres et interviews avec les tout proches de son grand-père, à commencer par sa grand-mère Tencha qui progressivement a accepté de témoigner. Si délivrer la parole ne fut évidente pour personne, c’est que la douleur est encore vive, que les souffrances n’ont pas toutes été guéries, les années d’exil pèsent encore lourdement.

La réalisatrice pose ses questions avec une voix empreinte d’une douceur qui marque l’entier du film où se conjuguent tant le respect des protagonistes qu’une insistance discrète pour que s’effacent les non-dits (les infidélités de Chicho). Ainsi le grand-père est-il moins montré dans son rôle et son impact politiques que dans la façon dont, au quotidien, il vivait un engagement qui entraîna celui de ses proches et notamment de son épouse. Cette réalisation fine dépeint ainsi, au-delà d’un portrait intimiste, une manière de faire de la politique basée sur le sacrifice personnel et celui de l’environnement immédiat, elle montre combien croyances et idéaux politiques revêtent parfois une dimension mystique. Aux côtés de Tencha, qui soutînt sans compter son mari dans toutes ses campagnes présidentielles, on s’interroge sur le rôle de femmes en politique, sur les prises de décision et les défis d’une vie publique. Et alors que le film se construisait, deux énigmes ont été levées officiellement. Suite aux analyses ADN de la dépouille du président, il s’est avéré d’une part que c’était bien son corps qui avait été inhumé et, d’autre part, qu’il s’était effectivement suicidé, dans un ultime geste politique.

Chicho, devenu une icône, était un homme proche et complexe que ce documentaire personnel révèle tout en  traitant des enjeux douloureux de la mémoire personnelle et collective.