Réalisé par | Nanni Moretti |
Titre original | Mia madre |
Pays de production | Italie, France |
Année | 2015 |
Durée | |
Genre | Drame, Comédie |
Distributeur | frenetic |
Acteurs | John Turturro, Margherita Buy, Nanni Moretti, Giulia Lazzarini, Beatrice Mancini |
Age légal | 10 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 736 |
Ce qui fait la beauté de la vie se niche souvent dans les petites choses. C’est tout l’art de Moretti que de le comprendre et de savoir le mettre en scène. Ce nouveau film est magnifique de douceur et de simplicité.
Nanni Moretti dit avoir souvent écrit lorsque ce qu’il raconte venait d’arriver. A la mort de sa mère, il s’est penché tout naturellement sur un nouveau scénario, non pour étaler son deuil, mais pour l’approfondir, le magnifier et lui laisser le temps de rééquilibrer le quotidien. Pour autant, il ne faut pas y chercher un journal intime. «Plus encore que de vouloir mesurer le taux d’autobiographie, corrige-t-il, ce qui compte, c’est d’avoir une approche personnelle vis-à-vis de toutes les histoires.»
Cinéaste, Margherita (Margherita Buy) tourne un film sur un conflit social entre le patron d’une usine menacée de fermeture et ses ouvriers. Pour le rôle du patron, elle a engagé un acteur américain de renom (John Turturro), mais qui ne lui cause que des ennuis. Agacée, insatisfaite, elle ramène chez elle ses soucis professionnels, alors que sa vie privée est bouleversée par l’état de santé de sa mère. Son frère (Nanni Moretti) l’aide de son mieux, mais Margherita semble perdre le fil même de son existence.
Mia Madre donne le point de vue de Margherita, Margherita confrontée à la maladie de sa mère, au temps qui s’achève et au sentiment d’urgence que cette réalité développe en elle. Il ne cherche pas à accumuler des thématiques et cependant, par le seul fait qu’il dépeint des journées bouleversées par la menace du deuil, il met en exergue les soucis ordinaires de l’existence, le rythme abrutissant des journées, l’étiolement de la part d’humanité qui fonde chaque être. On se trouve face à une lecture de la vie contemporaine et de son agitation, de son matérialisme, de sa vacuité et de la fragilité qui en découle.
Mais alors que la course effrénée semble condamnée à se poursuivre, la maladie de la mère s’impose comme le répit nécessaire. Autour d’elle reprennent place les justes sentiments. La douceur, l’attention, la tendresse… Une femme âgée (Giulia Lazzarini est merveilleuse) sent sa mémoire se troubler, son corps lui échapper, la vie se dérober… En face d’elle, il faut donc oublier ce qu’on exige – tout faire pour obtenir la guérison -, ou qu’on rejette – la mort -,pour entendre le désir de la malade qui s’exprime derrière une hésitation infinie. Il faut accepter ce contre quoi on ne peut lutter et trouver le moyen de dissimuler sa peur pour rassurer les autres.
C’est donc en pleine contradiction que Margherita cherche son chemin. L’actrice qui endosse ce rôle difficile le fait avec beaucoup de vérité. Le spectateur entre dans la famille et se voit appelé à la deviner, à en comprendre les faux pas et les atermoiements. Nanni Moretti les lui explique sans emprunter le plus petit geste au mélodrame. Tout est simple, tout appartient au récit ordinaire. Il ne s’agit de rien d’autre que de la vie.
Et c’est peut-être cela, montré avec tant de justesse, tant de délicatesse, qui donne le courage de repenser à soi, à son existence, à ses priorités. Universel, Mia madre, évoque les questions qui se posent lorsque les parents parviennent à l’âge de s’en aller; leurs enfants reçoivent le témoin et se retrouvent seuls au front désormais.
Geneviève Praplan
Prix du Jury oecuménique au Festival de Cannes 2015
Les derniers jours et la mort d’une « mama », fût-elle âgée, ne ressemblent à aucun autre. Ils marquent un avant et un après pour ses enfants, comme c’est ici le cas pour un frère (Nanni Moretti) qui réalise bien ce qui est en train de se passer et sa sœur qui dans un premier fait tout pour éviter d’en prendre conscience. Margherita (Margherita Buy) appréhende l’issue fatale, en elle tout se bouscule : pensées, souvenirs, mise en doute du pronostic médical. Et par-dessus tout, un sentiment de ne pas être à la hauteur l’habite non seulement à propos de l’accompagnement qu’elle devrait offrir à sa mère ou de l’écoute qu’elle devrait dispenser à sa fille adolescente, mais également dans le film qu’elle est en train de réaliser. Là, elle donne le change ou tout du moins, paraît maîtriser son sujet politico-social. Elle semble savoir où aller, malgré les difficultés qu’elle rencontre sur le tournage avec son acteur principal Barry Huggins (John Turturo). Du coup, un décalage s’instaure entre le film bien structuré qu’elle tourne et les émotions qui la traversent. Le comique et le tragique s’en mêlent, délestant le sujet grave d’une fin de vie de toute lourdeur. Moretti montre ici avec talent combien les cloisons séparant vie privée et professionnelle deviennent selon les moments étanches ou poreux.
Serge Molla
Serge Molla
Nom | Notes |
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Geneviève Praplan | 18 |
Serge Molla | 17 |
Anne-Béatrice Schwab | 18 |
Philippe Thonney | 16 |
Antoine Rochat | 17 |
Georges Blanc | 18 |