Horizontes

Trois femmes, une passion. Au gré des ruelles et des salles de répétition de La Havane, Eileen Hofer nous entraîne à la suite de Amanda, Viengsay et Alicia, qui donnent tout à la danse. Trois femmes mais aussi trois périodes de la vie. Amanda est une adolescente qui cherche à faire ses preuves, tandis que Viengsay est une danseuse accomplie qui a choisi de faire carrière dans son pays natal. Quant à Alicia Alonso, «ballerina assoluta» mondialement connue, elle dirige le Ballet national de Cuba (qu’elle a fondé en 1948) du haut de ses 94 ans. Son ombre plane d’ailleurs sur tout le film, comme sur l’esprit des deux autres protagonistes, au travers d’images d’archives, de tableaux et d’évocations diverses. La ballerine elle-même vit comme une momie dans un appartement figé dans le temps.

Cette dimension presque fantomatique confère au film une atmosphère trouble, que les rares paroles – chose assez peu courante dans les documentaires de ce genre – renforcent encore. On en vient à être tenté de voir dans cette femme le poids d’un passé plus général, celui du régime de Castro, évoqué ponctuellement au cours du récit. Dès lors, l’esquisse de ce monde de corps suspendus et de grâce totale est quelque peu assombrie par le contexte politique qui se dessine, au travers de la figure d’Alicia, mais aussi au détour des plans de rue, pauses incongrues dans le fil des images de répétitions et  de spectacles. A l’instar de Viengsay, à qui l’on reproche son manque de passion, l’art, qui pourrait être expression de vie pure, semble plutôt recouvert d’un voile aux couleurs de l’au-delà. Horizontes est un voyage étrange, aux limites de l’onirisme, mais derrière lequel se cache une réalité sociale complexe et difficile, qui elle, n’est pas encore dépassée.