Look of Silence (The)

Le réalisateur Joshua Oppenheimer avait été nominé à l'Oscar du meilleur documentaire en 2012 avec The Act of Killing qui revenait sur le génocide indonésien. Avec The Look of Silence, il poursuit sa recherche sur le même sujet mais en se plaçant cette fois du côté des victimes, et livre un film absolument glaçant.
Rappelons qu'en 1965, un putsch étatique fut conduit en Indonésie. Les opposants au nombre d’un million furent, sans distinction d'âge, de sexe ou de niveau d'éducation, désignés du terme générique et infâmant de communistes, et massacrés.

Le film nous présente Adi, un homme né deux ans après le décès de son frère qui fut l’une des victimes du massacre. Ophtalmo itinérant, il profite de ses visites médicales pour chercher la vérité sur cette mort, et découvrir quels en sont les coupables. Certains passages sont simplement hallucinants. Le réalisateur fixe Adi alors qu’il parle avec d’anciens tortionnaires. Ces témoignages font froid dans le dos, non seulement par leur description parfois à la limite du supportable, mais aussi car les bourreaux sont aujourd’hui des hommes vieux et malades, qui se cachent derrière leur civisme et leur patriotisme pour justifier leurs actes. On sent parfois avec horreur qu’ils en gardent néanmoins un souvenir empli de plaisir sadique. A la manière de Claude Lanzmann dans son célèbre Shoa (1985), Adi reste froid et rationnel dans ses questions. Il ne laisse paraître son émotion que lors des deux derniers témoignages du film, mais cherche avant tout à comprendre et à pardonner. Lui et le réalisateur sont obligés de se faire discrets, les responsables du putsch étant encore aujourd’hui au pouvoir, faisant planer une menace sur Adi et sa famille.

The Look of Silence est un documentaire tranchant comme une lame, qui revient sur un épisode lointain et moins connu que d’autres évènements du même genre. Une œuvre didactique, dure et essentielle, qui obtint deux prix lors du festival de Venise 2014.