Atlas

Affiche Atlas
Réalisé par Antoine d’Agata
Pays de production France
Année 2013
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Bellevaux
Acteurs Antoine d'Agata
Age légal 18 ans
Age suggéré 18 ans
N° cinéfeuilles 832
Bande annonce (Allociné)

Critique

D’Agata est un photographe français qui, quand il ne s’injecte pas des substances dans les veines à travers le monde, fait des livres. Et parfois aussi, des films. Il réalise son premier long en 2008 avec Aka Ana (le trou rouge), qui plonge dans l’univers de la prostitution et de la drogue au Japon, pour former un documentaire qui ne s’assume pas, mouvant comme un fauve protéiforme dans le monde nocturne qu’il dépeint, jamais sûr de parler d’êtres réels ou de fictions fantasmagoriques. Son travail dans Aka Ana reste très empreint de son travail de photographe: une tentative de perdre l’effigie humaine dans un déploiement de sa surface, dans la confusion des membres créer l’émergence d’une figure qui crie et qui souffre.

Fort de cette expérience et du succès rencontré parmi les connaisseurs, il entreprend un travail sociologique, documentaire et cinématographique, Atlas qui comme son nom le sous-entend, est une vision d’un monde entier. Il retourne à ses sujets de prédilection: drogue, sexe, la géométrie arcane des corps, la nuit. Il abandonne par contre le procédé vu dans son premier opus filmique: ici on ne joue pas à basculer entre le reportage un peu mondo des bas-fonds tokyoïtes et les déambulations fictives d’un personnage. Dans Atlas, le «réel» est muet, ne semble pas adossé à autre chose que la surface du film. C’est à nous spectateurs et voyeurs de décider si tout cela est vrai, si tout cela est faux, si les deux se mêlent. La réponse est en fait bien ailleurs, nous sommes au-delà de la question naïve de la véracité de l’image. Atlas nous immerge dans une poix uniforme qui exprime parfaitement sa propre justesse.

Le film s’appelle donc Atlas car d’Agata a parcouru le monde à la recherche de lupanars. Là, il a laissé les travailleuses du sexe parler de leur vie, leurs tristesses et leurs expériences de la prostitution, parfois volontaire. Ces voix sont décharnées, elles ne nous parviennent que dans la bande-son, en voix off, pendant que les images nous montrent ces femmes silencieuses, en train de travailler ou de coucher avec le réalisateur du film. Car ce dernier n’hésite pas à se droguer devant la caméra, et de payer les services de ces personnes qui déplorent souvent leur condition. Nous ne rentrerons pas dans les débats éthiques liés à ces images.

Il s’agit d’un film violent parce qu’il montre des images violentes - automutilations, animaux torturés, désespoirs humains - mais cela n’est qu’une violence de surface, connotée. La violence plus abyssale d’Atlas est la condition dans laquelle il force le spectateur; qui devient voyeur et complice, témoin et consommateur de services dont on montre le revers rugueux. Dans le mythe de Narcisse, le jeune homme épris de sa beauté était devenu fou à force de ne pas pouvoir toucher ce qu’il voyait dans le reflet - lui-même. Dans le mythe du monde qu’est Atlas, le spectateur est forcé de voir et toucher ce reflet qu’il découvre être de lui-même.

Anthony Bekirov


Antoine d’Agata est photographe de profession et les portraits qu’il nous propose dans cet Atlas trahissent sa formation. Il nous offre dans cet essai le témoignage et les réflexions de prostituées, ainsi que de leurs clients, aux quatre coins du monde, illustrés par des images de déchéance et de désespérance parfois très stylisées. Ainsi la voix d’une femme, et puis d’une autre, nous dit : « Il faut juste accepter que le chaos existe », « Pas d’amour, ça ne m’intéresse pas d’aimer quelqu’un», «Quand personne ne me prend, je suis détruite », « La poursuite de la jouissance est triste », « Mon corps ne m’a jamais appartenu, c’est pour cela que je le vends ».

Rien de nouveau que la répétition du malheur s’engendrant dans sa répétition. Ce sont des femmes exploitées, aliénées, qui parlent de leur existence. On ne voit jamais leur visage, un témoignage chassant l’autre. Leurs paroles ne forment plus qu’une immense pelote sans fin qui se déroule encore et encore sur des images de personnes brisées, assommées par la drogue qui fait partie de leur quotidien.

Il est certain que, quelque part, Antoine d’Agata se sert de ces femmes et de leurs déchéances pour en faire un film. Or en chacun l’humanité doit être considérée comme une fin en soi et une valeur absolue et non traitée comme un moyen. Le travail esthétique du réalisateur ne s’opère-t-il pas au détriment de la dignité de cette humanité ? Il n’empêche, même si cette ode au nihilisme finit par lasser, les propos tenus par ces femmes font mouche et ne peuvent nous laisser indifférents.

Georges Blanc

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 10
Anne-Béatrice Schwab 8
Invité-e 18