Timbuktu

Affiche Timbuktu
Réalisé par Abderrahmane Sissako
Pays de production France, Mauritanie
Année 2014
Durée
Musique Amine Bouhafa
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Fatoumata Diawara, Abel Jafri, Hichem Yacoubi, Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 714
Bande annonce (Allociné)

Critique

Pour Abderrahmane Sissako, l’élément déclencheur du film (Prix du Jury oecuménique et Prix François-Chalais) à Cannes cette année) a été la lapidation d’un couple en 2012 au Mali, diffusée sur internet par les bourreaux, une atrocité innommable qui s’est produite dans l’indifférence totale des médias et du monde. Nourri de tous les témoignages qu’il a pu récolter, il a eu le souci de rester simple et pudique. Timbuktu est un film essentiel et dérangeant.

Dérangeant, car il ne correspond pas aux attentes des spectateurs. Un synopsis réducteur annonce en effet un film dont l’action se situe à Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, les habitants y subissant, impuissants, le régime de terreur des djihadistes. Il nous apprend encore que, non loin de là, Kidane, sa femme et sa fille vivent paisiblement, élevant un troupeau de vaches, jusqu’au jour où leur destin bascule suite à une altercation entre Kidane et Amadou le pêcheur qui se terminera par la mort accidentelle de ce dernier. Or la force de ce film est d’éviter tous les clichés véhiculés sur l’occupation de Tombouctou en 2012 et plus généralement sur les horreurs commises par les djihadistes partout où ils passent. Les djihadistes mis en scène par le réalisateur ne sont qu’une poignée d’hommes ordinaires venant d’horizons différents, parlant des langues différentes, peinant à communiquer entre eux et avec la population, victimes d’une monstrueuse manipulation. Ce qui fédère ces laissés pour compte qui n’ont plus rien à perdre, c’est l’exaltation religieuse et une forme de solidarité qui les lie et les prépare au sacrifice. Ils appliquent les règlements et la charia jusqu’à l’absurde, piégés par un système qui les dépasse.

Et dans cette histoire collective d’oppression, le réalisateur insère les destins singuliers de Kidane et des siens, personnages emblématiques qui relèvent de l’universel. Sous la forme d’un conte, ils évoquent un monde en voie de disparition où les rôles de chacun étaient clairement distribués, en harmonie avec la nature, imprégnés de musique, de poésie et de beauté. Sans grands faits d’armes ni rebondissements spectaculaires, nous voyons le chaos et la confusion s’installer insidieusement à coups de règlements absurdes et d’injonctions aberrantes qui désorientent le quotidien de la population, les femmes en particulier. Puis l’irréparable survient, avec des jugements iniques et insensés qui condamnent des hommes et des femmes à mourir et portent une atteinte définitive à la vie, à l’amour. Dans ce climat d’irréalité et de folie où les repères ont éclaté, il y a les actes de résistance de celles et ceux qui osent, qui bravent les interdits: l’imam, la marchande de poisson, Zabou la folle, Satima…

A ces grands moments d’émotion se mêlent des touches d’humour et une immense beauté formelle, avec une première et une dernière scène sublime pour nous rappeler que, contre l’extrémisme et la barbarie, c’est la dignité et l’amour qui l’emporteront.

Anne-Béatrice Schwab

Appréciations

Nom Notes
Anne-Béatrice Schwab 18
Georges Blanc 16
Daniel Grivel 17
Geneviève Praplan 15