Loin des yeux

Alors que la prison pour femmes de la Tuilière, à Lonay, a récemment défrayé la chronique, voici que sort un documentaire sélectionné en 2013 à Visions du Réel et consacré à quatre de sa trentaine de détenues. Kashka, polonaise, Mirsada, macédonienne, Karima et Fatiha, marocaines, sont séparées de leurs enfants restés au pays ou placés; le temps passant, elles craignent qu'ils ne les oublient. Leur relation avec eux ne tient qu'à un fil, celui du téléphone mural public de la prison. Chacune d'entre elles est ballottée entre espoir et déprime: l'infirmerie délivre à l'occasion des médicaments psychotropes. Les congés sporadiques se soldent parfois par la reprise de contact avec de mauvaises fréquentations ou l'absorption de drogue.
L'objectif - c'est le cas de le dire - de la caméra de Britta Rindelaub est discret et neutre, à tel point que le spectateur peut se sentir distant des sujets observés. Pas de jugements portés sur les détenues, sur le personnel, sur les intervenants extérieurs. Juste quelques allusions au passé criminel - qui laissent entendre que les condamnées ne sont pas des enfants de choeur. De là à dire, comme l'un d'entre elles, que les prisonniers de Guantanamo sont mieux traités, il y a un pas que nous ne franchirons pas... Les cellules de la Tuilière sont peut-être austères mais bien équipées (rideaux, téléviseur, frigo, etc.). Au sortir de la salle obscure, d'aucuns approuveront le système carcéral; d'autres seront confortés dans leur sentiments d'une justice inhumaine.