Alfonsina

Christoph Kühn, né à Zoug en 1955, est un documentariste de talent (Sophie Taeuber-Arp, tNicolas Bouvier: 22 Hospital Street, Bruno Manser - Laki Penan). Son long métrage nominé au Prix de Soleure et présenté au Festival international de cinàma de Mar del Plata porte sur Alfonsina Storni (1892-1938), poétesse d'origine suisse devenue mythique en Argentine.

Elle passe les quatre premières anéées de sa vie à Capriasca, près de Lugano, où son père brasse la «bière des Alpes», puis émigre avec sa famille en Argentine. Fière de son prénom qui, selon une étymologie hasardeuse, signifie «prête à tout», elle révèle un esprit frondeur; adolescente, elle écrit des poèmes, flirte avec les idées anarchistes. On la voit ensuite figurer, unique femme parmi des viages moustachus et barbus, en compagnie de poètes de Buenos Aires; avant-gardiste et journaliste, elle ose la condition de mère célibataire. Dans un pays machiste et bientôt dictatorial, elle prend fait et cause pour le féminisme. Elle devient amie avec l'écrivain uruguayen Horacio Quiroga, qui se suicidera en 1937. L'année suivante, atteinte d'un cancer du sein, elle se jette à la mer à Mar del Plata.

Avec beaucoup de créativité, Christoph Kühn retrace le parcours d'Alfonsina Storni, reprenant des films d'époque, puisant dans des musiques mélancoliques («Alfonsina y el Mar» - reprise notamment par Nana Mouskouri, Maurane et Bernard Lavilliers - est une des chansons les plus populaires d'Argentine), convoquant des descendants, disciples et biographes de cette femme hors du commun. Son film, très bien écrit, monté et conduit, offre de belles émotions esthétiques et humaines.