Au bord du Léman

Le réalisateur de ce premier long métrage de fiction est kurde et a demandé l'asile en Suisse. Il raconte avec empathie les amours difficiles de Nuray (Derya Ayverdi) et d'Emre (Murat Subasi), au bord du Léman, à Lausanne (joliment photographiée) plus précisément. Nuray a rejoint ses parents, immigrés turcs; elle vit séparée de son mari, musulman intégriste qui lui a été imposé par son père, qui refuse le divorce et qui la traque inlassablement. Elle est amoureuse d'Emre, requérant d'asile qui a été forcé d'interrompre ses études à Istanbul et qui loge chez un compagnon d'infortune qui attend son permis de séjour depuis des années. Nuray travaille comme serveuse et, parlant le français, essaie d'aider Emre à s'intégrer - sans toutefois lui révéler sa situation familiale. Emre, sans papiers et ne parlant  que sa propre langue, peine à trouver un emploi, même chez des compatriotes épiciers ou vendeurs de kébabs.

Roni Can Vesar brosse un tableau doux-amer de la condition des immigrés et de leurs espérances souvent déçues. Bien que néophyte dans le cinéma, il démontre une belle maîtrise de la caméra et, musicien, sait accorder une place aux harmonies orientales. Un plan tourné au quai d'Ouchy donne au Léman une allure de Bosphore, avec le passage d'un navibus et d'un chaland. Son récit, qui se déroule dans la lenteur, est bien écrit; il séduit par de petites touches finement observées et par une pudeur rafraîchissante.