Tout est permis

Ce documentaire sur la sécurité routière et le comportement des conducteurs devrait être vu par tous les usagers de la route: à travers de nombreux témoignages, l'ensemble des problèmes sont abordés, opposant différents points de vue.
Coline Serreau revient au cinéma en signant son troisième documentaire. Elle y relate une expérience autobiographique: en effet, la réalisatrice a dû passer par un stage de «récupération de points» suite à plusieurs fautes commises en voiture. En France, depuis plus de 20 ans, le permis à points a été instauré. Ce procédé, pénalisant chaque erreur sur la route, révolte bon nombre de personnes, persuadées d’être l’objet d’une persécution policière. Aussi les stages de récupération de points permettent-ils aux auteurs d’infractions d’exprimer leur révolte. Véritables lieux de disparité sociale et culturelle, les propos fusent, offrant quelques perles, telles que «Moi, je ne téléphone pas au volant mais je réponds», ou encore «Je conduis bien: le peu d’accidents que j’ai eus, ce sont les autres qui les ont commis».
Le ton est donné, l’humour tient une place prépondérante tout au long des récits. Ces derniers révèlent l'inconséquence des gens au volant et surtout leur mauvaise foi au moment où ils sont sanctionnés. Le montage est excellent: le bon sens et les explications viennent peu à peu étayer les propos émanant de l’émotionnel. Les arguments fondés des médecins, des éducateurs ou autres défenseurs du système permettent de contrebalancer les idées reçues et de prendre conscience des dangers provoqués par des attitudes inadéquates. Quelques témoignages de victimes de la route, handicapées à vie, sont simplement bouleversants, sans exagération. Le film n’est pas moralisateur mais pose le problème de la responsabilité, afin de mettre en évidence que ce n'est pas forcément l'autre qui est coupable mais que chacun doit adapter son comportement. De nombreux sujets sont abordés: l'alcool, la drogue, la vitesse, le téléphone. Tout est permis montre également l'importance que revêt la voiture pour de nombreux jeunes hommes: la virilité et le pouvoir. De manière plus générale, ce long métrage interroge avec subtilité le rapport des conducteurs à l’automobile, objet symbolique d’une certaine réussite sociale.
Ce documentaire s’appuie également sur des statistiques pour diffuser quelques chiffres intéressants concernant par exemple le nombre de décès et de blessés. Il intègre des extraits de films préventifs sur les dégâts provoqués par les chocs frontaux à différentes vitesses. Il révèle la force des lobbies des grandes marques qui jouent sur la puissance et la sécurité en présentant leurs nouveaux modèles.
La réalisatrice offre, avec cet essai plus proche d’une enquête TV que d’une œuvre cinématographique, une véritable leçon de citoyenneté: la diversité des récits permet de donner tous les avis, laissant au spectateur la liberté d’avoir le sien.