Nous étions venus pour aider

Dans le cadre de l'aide suisse au développement, le Rwanda, avec ses quelque 9 millions d'habitants, a été l'un des partenaires privilégiés de notre pays. L'idée était d'accompagner une nation pas trop étendue géographiquement, à la portée de nos moyens. Dès 1962, des coopérant sont venus participer à la mise en place de la Trafipro (TRAvail - FIdélité - PROduction), entreprise étatique de distribution et d'acquisition de biens de consommation dont les camions sillonnaient le pays; parallèlement était créée une banque coopérative d'épargne et de crédit. Les choses se sont bien passées jusqu'en 1973, lorsque les collaborateurs tutsis ont été abruptement déclarés indésirables. Quelques Suisses sont alors partis, n'acceptant pas cette discrimination; d'autres sont restés (trop isoés dans leur bulle «postcolonialiste» ou désireux de poursuivre leur aide envers et contre tout?). Le génocide de 1994 (plus de 800'000 morts en quelques mois - davantage que dans les camps de la mort nazis pour une période équivalente) a tout jeté à bas.
Dans son documentaire, Thomas Isler nous fait rencontrer des personnes impliquées à l'époque, des Européens comme des Rwandais. Les interviews alternent avec des images d'archives télévisuelles et de films-souvenirs familiaux en super 8. On passe des façades lisses des bâtiments administratifs fédéraux aux paysages de la «Suisse de l'Afrique», de l'enthousiasme et du dynamisme des débuts aux espérances et aux amitiés fracassées. Un coopérant s'interroge, et cela vaut pour bien des situations actuelles: que peut-on faire pour un pays fragile si la communauté internationale ne se mobilise pas? Nous étions venus pour aider: c'est bien, mais est-ce suffisant?