Le vent se lève

Affiche Le vent se lève
Réalisé par Hayao Miyazaki
Pays de production Japon
Année 2013
Durée
Musique Joe Hisaishi
Genre Animation, Drame
Distributeur frenetic
Acteurs Hidetoshi Nishijima, Hideaki Anno, Miori Takimoto, Masahiko Nishimura, Stephen Alpert
Age légal 8 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 695
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le vent se lève raconte la vie de Jirô Horikoshi, un ingénieur en aviation japonais, de son enfance à la construction du chasseur «Zero» chez Mitsubishi et son utilisation par la marine impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. En parallèle, l’intrigue suit les relations qui s’établissent entre Jirô et son amie Nahoko.
On est assez loin des récits fantastiques ou (et) poétiques de Hayao Miyazaki, de Princesse Mononoke (1997) à Ponyo sur la falaise (2008): Le vent se lève est bien ancré dans les événements historiques du siècle passé, même s’il joue aussi avec les frontières ténues entre le rêve et la réalité. Le titre renvoie à Valéry: «Le vent se lève, il faut tenter de vivre...» Un vent qui est effectivement le moteur du film, qui lui donne sa tonalité, qui amène tantôt le beau, tantôt la tempête, et qui accompagne toutes les rencontres de Jirô et Nahoko. Le récit s’étend sur une trentaine d’années de l’histoire japonaise du XXe siècle et se présente comme une réflexion sur l’homme, son destin, ses responsabilités.
Le héros du film, Jirô, a deux modèles, deux figures historiques de référence. La première est donc celle de Jirô Horikoshi (1903-1982), l’ingénieur qui créa le mythique avion de chasse nippon. L’autre, c’est celle de Tatsuo Hori (1904-1953), écrivain japonais du XXe siècle (Miyazaki s’est inspiré de son roman Nahoko), qui encouragera Jirô à ne pas lâcher prise. Jirô Horikoshi n’a d’ailleurs pas eu le choix: il a dû construire le meilleur engin de guerre possible, tout en sachant qu’il contribuait directement à une œuvre de destruction et à la mort de nombreux innocents. Un peu rêveur, un peu obstiné, Jirô s’inquiète pourtant de la «dérive» de son projet («l’avion n’est fait ni pour la guerre, ni pour les affaires, mais pour de beaux rêves»).
On retrouve là les préoccupations que Miyazaki a toujours exprimées, même de façon sous-jacente, dans la plupart de ses films: son pacifisme, son humanisme et son sens de la communauté (le réalisateur nippon n’a jamais été un nationaliste).
Le vent se lève  est bien ancré dans l’Histoire: en 1923, c’est le séisme de Kanto, tout proche de Tokyo; en 1927, c’est la Grande Dépression, le chômage, la pauvreté; quelques années plus tard, c’est une grave épidémie de tuberculose qui frappe le pays, puis le fascisme et l’entrée en guerre du Japon. Le film parle des défis que pose la vie et des difficultés de faire des choix dans un monde chaotique.
Jirô semble parfois emporté par les événements.
Il y a beaucoup d’autres personnages dans le film et on pourrait en citer quelques-uns: à côté de Tatsuo Hori, il y a Giovanni Caproni (1886-1957), fameux constructeur d’avions italiens, que Jirô rencontrera dans un rêve et qui lui prodiguera des conseils: «Est-ce que tu vis pleinement tes rêves?» lui demandera-t-il... On pourrait encore parler de Castorp, un Allemand tout droit issu de La Montagne magique de Thomas Mann, ou Junkers, ingénieur allemand en aéronautique.
Le film est sorti au Japon en juillet dernier et a immédiatement suscité quelques polémiques. Les uns ont reproché à Miyazaki de n’avoir pas mis en images les dégâts commis par les avions de Jirô Horikoshi, d’autres de ne pas avoir suffisamment affiché son pacifisme (à un moment où l’on parle, au Japon, de supprimer un article de la Constitution qui empêche le pays de reconstituer une armée...) On a également reproché au cinéaste de trop laisser fumer ses personnages et d’exercer ainsi une mauvaise influence sur les jeunes… Tout cela n’empêche pas Le vent se lève d’être un très beau film, de comporter des séquences superbes (splendeur des paysages), et d’aborder des thèmes nouveaux. Si les légendes japonaises, les intrigues parfois un peu sirupeuses et les décors ravissants de plusieurs films précédents de Miyazaki se font plus discrets, le contenu est plus intéressant et la forme reste surprenante, avec un style original dans le dessin, une animation souvent brillante, et une grande maîtrise dans l’utilisation des ellipses, des sauts dans le temps et dans l’emploi de la couleur. A signaler aussi toutes les scènes oniriques, très belles, et d’autres, plus tragiques.
Tableau historique complexe et beau film symbolique (qui rend indirectement hommage à une génération sacrifiée à la toute puissance de l’Empereur), Le vent se lève s’adresse - on l’a compris - autant aux adultes qu’aux enfants.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 17
Daniel Grivel 18
Geneviève Praplan 18
Anne-Béatrice Schwab 20
Georges Blanc 17