Critique
Transposer au cinéma l'oeuvre de Proust tient de la mission impossible. On pourrait même parler d'hérésie cinématographique. Raoul Ruiz s'est néanmoins lancé dans cet audacieux pari, en s'inspirant fidèlement des 3'000 pages de «A la recherche du temps perdu».
LE TEMPS RETROUVE ne peut être qu'une oeuvre réductrice. Une fois admis ce postulat, il faut dire immédiatement les qualités évidentes d'un film qui retrouve tous les personnages, tous les décors du roman, et qui réussit la gageure de donner, par moments, des équivalents visuels à ce qui fait la dynamique temporelle de l'oeuvre, la résurgence des souvenirs et la création romanesque. Réducteur donc, le film de Ruiz ne permet pas aux personnages, même bien définis, de retrouver leur complexité et leur épaisseur romanesque. Reste alors un film d'une grande intelligence et d'une extrême finesse, où les dialogues ne peuvent cependant pas restituer les subtiles relations affectives, ni la respiration, ni l'émotion qui se dégagent du roman.
Antoine Rochat