Retour en Amérique pour Woody Allen qui, après ses escapades européennes, à Barcelone pour le tournage de Vicky Cristina Barcelona (2008), à la Ville Lumière pour Minuit à Paris (2011), enfin à la Ville Éternelle pour To Rome with Love (2012), a choisi San Francisco pour y parachuter Jasmine (Cate Blanchett), bourgeoise de la haute société new-yorkaise en pleine déchéance. Elle a tout perdu après l’arrestation de son mari Hal (Alec Baldwin), escroc de la finance façon Madoff. Avec ses valises Vuitton, son sac Hermès et ses tailleurs chics, elle débarque chez sa sœur Ginger (Sally Hawkins), simple caissière vivant avec ses deux fils dans un petit appartement encombré et kitsch et sortant avec un gars un peu rustre.
L’habituée des boutiques chic de la 5e Avenue de la Grande Pomme, qui ne sait rien faire de ses dix doigts, tombe de haut. Pour supporter sa nouvelle vie de réceptionniste chez un dentiste qui la drague lourdement, mais aussi supporter sa sœur, dont elle méprise la petite vie et les amis, elle avale des calmants et se met parfois à parler toute seule. On n’est pas vraiment dans la comédie mais plutôt dans la satire, car Wody Allen dépeint avec lucidité et des touches cyniques le monde d’aujourd’hui divisé en deux: les gens d’en bas qui luttent contre la précarisation et une toute petite poignée de super-nantis qui s’enrichissent sur le dos des autres.
Cate Blanchett est très convaincante dans le rôle de cette femme qui tombe de haut, centrée sur elle-même, incapable d’empathie, qui s’accroche à ses rêves de richesse, incapable de compter sur ses propres forces mais recherchant l’homme riche qui lui redonnera son éclat d’antan. Elle y est exaspérante, pitoyable, attendrissante, odieuse, hystérique, fragile, parfaite dans ce rôle qui fait penser aux héroïnes des pièces de Tennessee Williams. Le film me trotte dans la tête encore bien après que je l’ai vu, un brin agacée par l’insupportable Jasmine qui me fait réaliser que le féminisme a encore quelques luttes à mener.