Grigris

Affiche Grigris
Réalisé par Mahamat-Saleh Haroun
Pays de production France, Tchad
Année 2013
Durée
Musique Wasis Diop
Genre Drame
Distributeur moadistribution
Acteurs Hadjé Fatimé N'goua, Souleymane Démé, Anaïs Monory, Cyril Gueï, Marius Yelolo
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 686
Bande annonce (Allociné)

Critique

En ouverture, un dancing de N’Djamena balayé par les spots de couleurs, alors que quelques hommes et femmes encouragent et stimulent l’extraordinaire prestation d’un danseur de breaking qui se contorsionne. C’est Grigris (Souleymane Démé), le handicapé à la patte folle qui, soir après soir, danse pour (sur)vivre, mais ses numéros ne suffiront bientôt plus, car son beau-père est hospitalisé et la facture d’hôpital…  Aide-photographe, il rencontre la très belle métisse Mimi (Anaïs Monory) qui n’a trouvé que son corps pour survivre elle aussi. Devant trouver plus d’argent, Grigris va rejoindre Moussa (Cyril Gueï), un caïd local qui l’intègre dans l’une de ses équipes de trafiquants d’essence. Mais Grigris essaiera de les doubler, déclenchant une vengeance qui ne pourrait qu’avoir la mort pour terme si la fuite…
Mahamat-Saleh Haroun filme, comme dans Daratt - Saison sèche  (2006, CF 543) et Un homme qui crie (2010, CF 615), une Afrique qui n’a heureusement rien à voir avec les dépliants touristiques. Il n’invite pas à déambuler dans les beaux quartiers ou les marchés colorés; il fait au contraire pénétrer au cœur d’une nuit épaisse, où s’organisent la prostitution et les trafics louches. Il serre les corps, les visages, les yeux au plus près, pour éviter de tout faire passer par la parole tant il préfère suggérer, en comptant sur l’intelligence de son spectateur, et la bande-son se signale par la même retenue, hormis pour quelques compositions de Wasis Diop. Ainsi, la violence du propos global, les déchirures dont souffre l’Afrique se perçoivent-elles sans être montrées, ou si peu: les gestes de haine ou d’amour sont esquissés, mais leur force n’est pas moindre pour autant.
Au-delà de Grigris et de Mimi, divers personnages complètent la métaphore de l’Afrique que propose ce faux polar au rythme lent, ou chaque plan est indispensable et à grande distance des formatages habituels. Ainsi le vieux qui se meurt traduit-il la difficulté de la transmission, la femme réduite à sa beauté rappelle-t-elle le risque du machisme, le trafic qui tout à la fois s’impose pour s’en sortir et enlise, le village versus la ville, etc. Et puis, il y a le couple improbable, Mimi-Grigris, que l’on n’oubliera pas de sitôt, alors même qu’il n’a rien à voir avec les couples classiques du septième art. Interprétés avec force par l’étonnant Souleymane Démé, danseur handicapé autour duquel le réalisateur a construit son scénario, et par la fragile et magnifique Anaïs Monory, ces deux «petits» retiennent l’attention, ouvrent l’avenir, et cette piste-là, peu fréquentée, mérite d’être suivie…

A lire également l'interview du réalisateur

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16
Georges Blanc 11
Daniel Grivel 13
Geneviève Praplan 12
Nadia Roch 14
Antoine Rochat 15