Ma première montagne - Un Rigi film

Affiche Ma première montagne - Un Rigi film
Réalisé par Eric Langjahr
Pays de production Suisse
Année 2012
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Langjahr Film
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 8 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 680

Critique

L’essence du cinéma cher à Erich Langjahr consiste à éveiller une vérité dans le cœur des personnes auxquelles il s’adresse. Collectant de la matière sans a priori, il n’impose pas de point de vue, conviant chacun-e à se forger le sien, en l’astreignant simplement à prendre le temps de poser son regard, de se laisser imprégner par l’ambiance, le «climat».

Son dernier long métrage confirme qu’il mériterait bien d’entrer dans l’histoire de son art comme l’inventeur du «slow movie» (et non de la «slow motion», le ralenti). Son hommage «poétique» au Rigi, qui culmine à 1'797 mètres au-dessus du lac des Quatre Cantons, boucle sa réflexion, son évocation de la Suisse campagnarde et alpine.

L’auteur de TRANSHUMANCE VERS LE TROISIÈME MILLÉNAIRE, prix du cinéma suisse dans sa catégorie en 2003, nous incite à l’observation, dans le détail et le grand angle (quels paysages majestueux!), pas forcément celle des visiteurs pressés, en transit avant les prochaines «curiosités».
Une seule séquence comporte des dialogues, lorsque l’alpagiste Märtel Schindler s’octroie une pause  pour trinquer et échanger quelques mots avec des potes. Cet homme ombrageux, peu porté à la volubilité, s’exprime surtout dans l’accomplissement minutieux de ses diverses tâches. Son admirable polyvalence, exercée sans précipitation, au rythme de la respiration humaine et du cycle des saisons, apparaît comme le contre-pied parfait de l’univers professionnel où prévaut d’ordinaire la parcellisation taylorienne.

Les différents secteurs au sein des Bains minéraux et Spa à Rigi Kaltbad, construits par l’architecte tessinois Mario Botta, et ouverts en juillet 2012 (après le clap de fin), répondent vraisemblablement à ce mode organisationnel. Ne délivrant pas de «message» (dans le sens d’un virulent engagement pour une cause), le réalisateur n’a pas manié sa caméra dans l’intention de dénoncer le tourisme de masse et le bétonnage sur la «reine des montagnes». Mais il montre la multiplication des balafres défigurant ce lieu qu’Albrecht von Bonstetten, doyen de l’abbaye d’Einsiedeln, avait situé en 1480 au centre du monde. La fixation, par quatre gaillards, à flanc de rocher, d’un immense drapeau aux couleurs de la Confédération ainsi qu’un plan de la «tente des événements» (Réd. chapiteau destiné à héberger des events, comme disent les amateurs de franglais...) dénotent l’accélération de la commercialisation. La nostalgie affleure lorsque défile le générique avec le nom des célébrités qui avaient foulé entre 1775 et 1945 cet espace, alors presque vierge.
Que la musique (cor, tuba, accordéon…) de Hans Kennel ne figure pas précisément parmi mes préférées atténue à peine mon engouement pour cette œuvre rare.

Serge Molla