La clef de la chambre à lessive

Les festivaliers de Visions du Réel auront pu découvrir un documentaire que l'on pourrait presque qualifier d'ethnographique, les réalisateurs ayant porté leur regard sur un  secteur du monde helvétique absent des pages de la presse «pipole»... La caméra a en effet été plantée dans le corridor d'entrée d'un immeuble locatif lausannois, le No 85 de la rue de Genève pour être précis. Plantée, oui, car elle ne bouge pas de son emplacement, tout près de la porte de l'ascenseur et de la «chambre à lessive», ce qui lui permet d'enregistrer les allées et venues des locataires - très bigarrés, car on y trouve aussi bien des travailleurs que des belles de nuit, avec quelques autochtones tels des fruits dans un cake...
Pourquoi LA CLE DE LA CHAMBRE A LESSIVE? Parce que la concierge Claudina (probablement une Angolaise car elle parle aussi le portugais), qui ne réside pas dans l'immeuble, est la gardienne de la clé de la buanderie collective, et qu'elle fait de son mieux pour gérer le calendrier et l'horaire d'utilisation des machines à laver. Plus que les aléas liés à des usagers pas toujours disciplinés, le film donne un aperçu kaléidoscopique du quotidien d'un locatif populaire d'une soixantaine d'appartements et de ses occupants: des femmes voilées, d'autres qui le sont moins, des enfants effrontés, de jeunes blacks bling-bling, un ancien balayeur qui, fauché avant la fin du mois, prévoit de se nourrir d'eau sucrée, un Portugais qui doit déménager parce qu'il n'a plus droit à un trois pièces, sa femme et ses enfants l'ayant quitté...
L'oeil de la caméra est objectif comme son optique et montre gens et choses dans leur crudité. On comprend que la captation du son ait été difficile vu les conditions du tournage (réverbération du corridor, bruits ambiants), mais on aurait souhaité l'affichage de sous-titres à certains moments.