Modest Reception

Sur une route caillouteuse de montagne, un couple roule à bord d’un 4x4 et stoppe pour un contrôle militaire. L’officier a toutes les peines du monde à se faire entendre, tant le conducteur et la femme s’engueulent puis, médusé, se voit offrir un sac de plastique rempli de billets de banque. Plus loin, un vieux sage refuse un tel don, se satisfaisant de sa condition frugale, mais accepte de veiller sur de l’argent, tandis que le couple poursuit sa tournée de distribution avec des succès divers.

Ce film, présenté à la dernière Berlinale, est une sorte de fable. En exergue, une citation du Coran sur ce que doit être l’aumône, l’un des piliers de l’islam. La démarche du couple, dans cette sorte de road movie burlesque, laisse perplexe: en se débarrassant obstinément des nombreux sacs emplissant le coffre de leur véhicule, veulent-ils faire du bien à des nécessiteux ou s’amuser à semer la zizanie parmi de pauvres diables en les emberlificotant dans des raisonnements spécieux? Ce qui paraît être au début une farce glisse vers des situations plus tragiques: dans un cimetière, l’homme «achète» le cadavre d’un nouveau-né tué par un bombardement à son père s’échinant en vain à creuser une fosse dans le sol gelé.

Comme l’écrit Martial Knebel, «on (y) passe, en effet, de la comédie la plus déjantée à la réflexion la plus profonde sur l`état du monde, dans cette région perdue, oubliée, des montagnes arides et inhospitalières, proches de la frontière. Et le chaos de la fiction correspond en tout point au désordre de notre réalité où les certitudes vacillent comme celles des personnages, où la morale peut devenir perverse.» Les acteurs (dont le réalisateur soi-même) sont excellents, et la fable fait réfléchir sur le rôle de l’argent sans qu’on se prenne la tête. On ne déflorera pas la chute...