Fils de l'autre (Le)

Affiche Fils de l'autre (Le)
Réalisé par Lorraine Levy
Pays de production France
Année 2012
Durée
Musique Dhafer Youssef
Genre Drame
Distributeur frenetic
Acteurs Emmanuelle Devos, Jules Sitruk, Pascal Elbé, Areen Omari, Mehdi Dehbi
Age légal 10 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 657
Bande annonce (Allociné)

Critique

Deux familles avaient un fils. Leurs repères semblaient solides. Mais n’en va-t-il pas souvent ainsi avant que l’inéluctable ne survienne?

Plausible? Oui. Impossible? Certainement. Ce qui est sûr, c’est que le scénario proposé d’après une idée originale de Noam Fitoussi soulève bien des questions, moins sur la situation politique en Israël et en Palestine que sur la construction de l’identité des habitants de ces Etats en tension permanente.

Mais qui est-il donc? Suite à un ultime entretien que leur fils Joseph, 18 ans, vient de passer avant de faire son service militaire, ses parents, à leur grande stupeur, découvrent que celui-ci n’est en fait pas leur fils biologique. Lors de sa naissance à Haïfa, Joseph et Yacine, un autre nouveau-né, ont été échangés lors d’une alerte à la bombe et dans la précipitation qui s’en est suivie dans l’hôpital menacé. Cette annonce vient bouleverser deux familles: celle de Joseph (Jules Sitruk) et celle de Yacine (Mehdi Dehbi), famille palestinienne de Cisjordanie. Une première confrontation, qui confirme et révèle les faits auxdits parents, ne débouche que sur un déni suivi d’une impérative consigne de silence donnée par les pères. Mais les mères pourront-elles s’y tenir? Le voudront-elles? La sagesse millénaire - «une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle a porté?» - ne rend-elle pas attentif à cette quasi-impossibilité? Aussi la parole va-t-elle progressivement reprendre ses droits. Il va donc falloir parler, se parler. Mais quand? Comment?

Orith (Emmanuelle Devos) et Alon (Pascal Elbé), qui tous deux ont un lien avec la France, vont être les premiers à confronter Joseph à cette révélation inacceptable. «Tu veux dire que je suis l’autre et que l’autre c’est moi?», réplique-t-il immédiatement en pressentant que, bien avant d’imaginer rencontrer l’autre, tout son univers bascule. A la manière d’un pavé jeté dans la mare, la nouvelle n’en finira pas de créer des ondes de choc. Les questions s’appellent les unes les autres. Impossible de les retenir ou de les garder pour soi. Inutile de croire qu’elles n’atteindront pas tous les horizons, ni qu’elles ne passeront toutes les frontières. Questions tant pour les deux jeunes concernés au premier chef que pour leurs parents et leur frère ou sœur. Mais Joseph aurait-il pour autant raison de hurler à son «autre lui-même» qu’il va devoir troquer sa kippa contre une ceinture d’explosifs?

Autant dire que lorsque tout vole en éclats, tout doit être repris, réévalué, relu, réapproprié. C’est pourquoi le Mur qui se dresse entre les deux Etats auxquels appartiennent les deux familles respectives se présente comme une métaphore très concrète de ce qui les sépare: opportunités professionnelles, options politiques et lectures de l’histoire, religions, rites, langues, cultures, fratries… Et s’il s’agit de le franchir: qui en a aujourd’hui, ou en aura demain le pouvoir? Et à quelle condition?

Les menaces d’implosion et d’explosion planent sur les familles, lorsque chacune d’elles - et chacun de ses membres - doit faire face aux clichés, à ce qu’elle ressent et tient absolument à protéger en même temps qu’à évaluer ce qu’elle projette sur l’autre et qui n’est autre que ses propres peurs. Révélatrice est à cet égard une rencontre des deux pères autour d’un café: les mots peinent à s’articuler, le silence envahit l’espace. Bon point alors que paroles et musique n’accompagnent parfois plus les images, comme pour mieux permettre aux interrogations de faire leur chemin intérieur, de bousculer les assises.

Ce film ne se veut pas politique et il ne l’est pas. Tant mieux, car sinon il irait bien trop vite en besogne. Aussi, malgré ses maladresses (à commencer par les statuts sociaux des uns et des autres), soulignera-t-on sa sincérité, sa générosité et l’intensité de son questionnement, parce qu’effectivement on ne connaît peut-être pas son propre nom tant que l’on ne connaît pas celui de l’autre.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Daniel Grivel 12
Serge Molla 14