Bottled Life

Affiche Bottled Life
Réalisé par Urs Schnell
Pays de production
Année 2011
Durée
Genre Documentaire
Distributeur frenetic
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 7 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 651

Critique

L’eau potable, on le sait, devient une denrée de plus en plus rare. BOTTLED LIFE se penche sur le marché de l’eau en bouteille, se concentrant sur le leader mondial actuel de la branche, la multinationale Nestlé. Urs Schnell jette un regard inquisiteur derrière les coulisses de ce marché juteux qui brasse des milliards.

Urs Schnell et le journaliste Res Gehriger ont d’abord cherché une information auprès de l’entreprise suisse qui leur a opposé - partout dans le monde - une fin de non-recevoir. Pas d’interview: l’eau est un problème sur lequel Nestlé ne souhaite pas s’exprimer. Les auteurs du film n’en ont pas pour autant baissé les bras: Res Gehriger a entamé un reportage aux Etats-Unis, au Pakistan et au Nigeria, un long périple qui lui a permis de mettre en lumière l’attitude et les stratégies d’un des plus puissants groupes agroalimentaires du monde.

Le film se présente comme un voyage d’investigation à travers trois continents. En Asie d’abord, avec le Pakistan qui a servi, semble-t-il, de marché pilote à Nestlé. Alors que la multinationale lui refuse tout accès au centre de production des bouteilles d’eau «Pure Life» (créé en 1998), Res Gehriger découvre la vie des gens à proximité des enceintes de la grande fabrique de Sheikupura, près de Lahore: le niveau de la nappe phréatique s’est rapidement abaissé, et l’eau des puits utilisée par les habitants est devenue un nauséabond bouillon de culture… L’approvisionnement en eau est en train de tarir? L’eau en bouteille constitue donc une alternative sûre, répondent les exploitants des eaux souterraines. Mais son prix, pour la plupart de la population, est tout simplement inabordable.

Même scénario au Nigeria: dans la mégapole de Lagos, l’eau vaut son pesant d’or et seules les classes privilégiées urbaines peuvent se payer «Pure Life». Les habitants des bidonvilles de la capitale africaine doivent consacrer la moitié de leur budget à acheter, en barriques, une eau de moins en moins potable issue du réseau défaillant de la ville. John O. Egbuta, conseiller de l’Unicef, le confirme: «Ici, une bouteille de Nestlé ‘Pure Life’ est plus chère qu’un litre d’essence. Seuls les riches peuvent se payer une eau sûre.»

La guerre de l’eau existe aussi dans le nord-est des Etats-Unis. Pour pouvoir vendre ses bouteilles de «Poland Spring» et avoir la main sur le commerce de l’eau en général dans les années à venir, Nestlé a acheté dans l’Etat du Maine une quantité de terrains riches en sources, malgré la protestation et la résistance des habitants… Aux dernières nouvelles toutefois, il semble que quelques communes - poussées par de nombreux mouvements de citoyens - aient réussi à avoir le dernier mot (juridique), interdisant désormais toute vente de terrains. Une lueur d’espoir?

Peter Brabeck, président du conseil d’administration de Nestlé, parle par ailleurs - et officiellement - de «responsabilité sociale de l’entreprise» et de «création de valeurs partagées»… Les auteurs de BOTTLED LIFE mettent en doute cette philosophie de l’entreprise et n’y vont pas par quatre chemins: leur film est un véritable «brûlot», un documentaire accusateur impitoyable qui s’appuie sur les interventions de personnalités de premier plan. On ne citera que Maude Barlow (conseillère en chef des Nations Unies pour les questions d’eau 2008/9): «Nestlé est un chasseur d’eau, un rapace. Ils ne sont pas intéressés à une utilisation durable de la nappe phréatique, des rivières et des sources. Tout ce qu’ils veulent, c’est faire de l’argent. Ils débarquent dans une région et considèrent l’eau comme une entreprise minière. Ils arrivent, pompent jusqu’à ce que la nappe soit tarie. Et lorsqu’elle l’est, ils vont chercher ailleurs.»

Le constat de BOTTLED LIFE, film sérieux et engagé, est amer, voire déprimant. La démarche du cinéaste paraît solide, les images sont excellentes et parlantes. Urs Schnell met le doigt sur un problème d’actualité évident, mais l’on sait par ailleurs qu’il y en a d’autres: de nombreuses entreprises multinationales continuent de chercher à acheter, dans le secteur agroalimentaire et partout dans le monde, des terres fertiles, arables et copieusement arrosées...

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 15