J. Edgar

Affiche J. Edgar
Réalisé par Clint Eastwood
Pays de production U.S.A.
Année 2011
Durée
Musique Clint Eastwood
Genre Biopic, Drame
Distributeur Warner Bros. France
Acteurs Josh Lucas, Leonardo DiCaprio, Naomi Watts, Judi Dench, Armie Hammer
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 650
Bande annonce (Allociné)

Critique

Personnage trouble au cœur d’une époque troublée, qui était véritablement J. Edgar Hoover qui dirigea le Bureau fédéral d’investigation (FBI) plus de cinquante années consécutives sous la férule de huit présidents? La réponse d’Eastwood dérange.

Le traitement dudit personnage surprend. On s’attend à un film politique et c’est à l’homme, et à ce qui le meut intérieurement, que s’attache le réalisateur sensible aux questions éthiques. Ainsi dresse-t-il le portrait controversé d’un homme qui devint progressivement un véritable Etat dans l’Etat, craint des plus hautes autorités en raison de la quantité d’informations qu’il détenait ou avait réussi, semble-t-il, à rassembler, relatives à nombre de célébrités et responsables politiques de première importance, notamment présidents.

A la façon d’un tissage fin, Eastwood entrelace différentes périodes (pas toujours simple à suivre) en s’inspirant du scénario de Dustin Lance Black (MILK). Le film s’ouvre par une séquence au cœur des années 60, soulignant l’indissoluble lien entre l’homme (Leonardo DiCaprio) et l’institution qu’il servait, lorsque le bâtiment du Département de justice, où réside le Bureau, est l’objet d’un attentat. Et d’entendre Hoover hurler, «le communisme n’est pas un parti politique, mais un cancer». Puis remontée dans le temps, où suite à l’attentat en 1919 contre le ministre de la Justice A. Mitchell Palmer, il devient à 24 ans chef du FBI dont il ne cessera de développer la structure et l’indépendance et veillera à son renforcement, sur les plans tant humain que législatif. Coup de projecteur sur l’enlèvement du bébé Lindbergh, détestation des radicaux, de Martin Luther King et de toute personne ou organisation qui selon lui menaçait la paix intérieure… Et puis, il y a le vieil homme, toujours en poste, dictant ses mémoires à un jeune agent et profitant au passage de réécrire l’histoire et le rôle clé qu’il y joua.

Toutefois, trois personnages entourant «Edgar» sont essentiel, pour approcher cet homme complexe: sa mère (Judi Dench) possessive et dominatrice à laquelle Edgar vouait une admiration sans faille, Helen Gandy (Naomi Watts), sa secrétaire dès le début et qui le restera jusqu’à la fin, et celui qui deviendra son plus proche et très fidèle collaborateur, l’agent Clyde Tolson (Armie Hammer). C’est d’ailleurs à son propos qu’aujourd’hui encore bien des questions restent sans réponse et ouvrent l’espace à toutes les suppositions, notamment celle de l’homosexualité d’Edgar et de la relation entre les deux hommes. Rien n’a jamais été prouvé en ce sens, et les anciens agents sont unanimes pour dénier une telle assertion, mais Eastwood ne cherche pas à prouver, mais plutôt à laisser le soupçon s’insinuer, comme pour mieux saisir en profondeur qui fut véritablement cet homme bourreau de travail, très attaché à sa mère et qui n’eut aucune relation féminine. Et le réalisateur de poursuivre ses hypothèses tout en soulignant les obsessions du patron du FBI en matière de surveillance de la vie privée (E. Roosevelt, J. F. Kennedy, M. L. King…) Ainsi, par exemple, la scène montrant Hoover à l’écoute d’enregistrements réalisés dans une chambre d’hôtel occupée par King (et prolongés par quelques ombres suggestives portées sur la paroi) est immédiatement suivie d’une autre où l’on voit Hoover et Tolson dans un ascenseur comme s’ils sortaient eux aussi d’une chambre…

Le personnage principal doit ici beaucoup à la composition de Leonardo DiCaprio (et au travail de ses maquilleurs) qui dégage d’Edgar une humanité troublante, tant jeune qu’âgé, avec ses colères et ses failles. Toute une part de l’histoire récente des Etats-Unis fut liée à Hoover qui, dit-on, possédait son propre fichier. Mais puisque sa fidèle secrétaire l’a(urait) fait disparaître dès l’annonce de sa mort, bien des zones d’ombre le resteront à tout jamais.

Note: 14

Serge Molla