Une synagogue à la campagne

Affiche Une synagogue à la campagne
Réalisé par Franz Rickenbach
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 7 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 383

Critique

C'est en 1992 que Franz Rickenbach (KLAS-SENGEFLUSTER, LA NUIT DE L'ECLUSIER) a commencé les recherches relatives à ce qu'il appelle un film-document consacré à un groupe en voie d'extinction, la com-munauté israélite de Delémont. Le tournage a duré de 1993 à 1998, en Suisse et en France voisine (Franche-Comté, Territoire de Belfort, Alsace), et cette importante tranche de temps explique l'osmose que le cinéaste a vécue avec ses «sujets». Cinq femmes et deux hommes - dont deux sont décédés en cours de route, plus qu'octogénaires.

Le film commence par une sorte d'inven-taire. Des objets de culte sont présentés et dénombrés par une voix aux accents jurassiens, et l'évocation de ces objets liés à une pratique religieuse plus que millénaire est émouvante, parée de ces intonations de terroir. Puis la caméra prend de la distance et montre un bâtiment délabré, construit au siècle dernier hors les murs, la synagogue de Delémont. Apparaît alors une touchante galerie de portraits, des vieillards au regard vif et soudés par une foi commune, représentants de familles israélites n'ayant eu pratiquement «que» des filles. Une situation qui a obligé de recourir à des astuces pour assurer la perennité du culte, alors que plusieurs autres synagogues, désaffectées, tenaient déjà lieu de remises et autres hangars.

Le groupe est dominé - sans connotation péjorative - par la figure patriarcale de Robert Lévy-Borer, dit Robo, qui est un peu la mémoire de la communauté. Une mémoire à laquelle viennent en aide les souvenirs de ses coreligionnaires, filmés et écoutés avec amour par Franz Rickenbach. Plus encore qu'ailleurs, Jura oblige, on retrouve le monde des marchands de bétail et de chevaux familier aux Juifs de chez nous. On constate l'intégration de familles établies dans notre pays depuis des générations et qui, si rien ne les distingue particulièrement, n'en restent pas moins attachées à leur culte ancestral. Même si, comme le regrette Robert Lévy, la Fédération suisse des communautés israélites ne s'est jamais préoccupée de ses membres aux effectifs restreints.

Cependant, une certaine relève semble assurée. Sinon pour réactiver la synagogue de Delémont, du moins pour se joindre à des communautés urbaines plus fortes.

Au-delà des aléas d'un petit troupeau (l'An-cien Testament parlerait peut-être d'un petit reste), le beau film de Rickenbach élargit la réflexion du spectateur à la préservation de l'identité d'un groupe, de sa manière de vivre et de sa foi, déployant ainsi un hymne serein en faveur du droit à la différence.

Daniel Grivel