Critique
La cinéaste suisse Anka Schmid a réalisé un documentaire d’un genre assez particulier. De 2006 à 2010 elle a suivi trois (très) jeunes mères et leurs enfants, ainsi que, quand c’était possible, les jeunes pères. Sandra, Jasmine et Jennifer se sont en effet retrouvées enceintes avant 18 ans. Comment vivre dès lors, quand on n’est pas encore adulte, que l’avenir est à l’état d’ébauche, que les pères ne peuvent ou n’arrivent pas à assumer leur rôle?
Le film se présente comme une étude de longue durée sur la vie de trois jeunes mères, sur les difficultés de leurs existences. Interviews, scènes de la vie familiale, séquences tournées sur les lieux de formation, visites dans les services sociaux, tout ce matériau - parfois jeté en vrac - permet de cerner peu à peu les caractères de chacun(e). Et de montrer quelle énergie, quelle confiance en soi sans faille il faut entretenir pour tenir le coup.
La cinéaste s’est efforcée de brosser les trois portraits de ses protagonistes en les filmant là où elles vivent, dans l’arrière-pays lucernois, à Bâle ou à Thoune. La caméra observe, à bonne distance, ces jeunes femmes qui se débrouillent, souvent avec l’aide (conséquente) de leur famille, qui essaient d’expliquer comment elles ont découvert que la vie avec un enfant est bien différente de leurs rêves d’adolescentes… La cinéaste laisse au spectateur le soin de reconstituer le passé de chacune, de découvrir ce qu’elles sont devenues avec le temps: en 2010 la situation a évolué, en mieux comme en moins bien… CŒUR AU VENTRE propose des images, la cinéaste écoute, ne porte pas de jugement. On aurait souhaité parfois un montage plus serré, avec des rapprochements thématiques, des mises en évidence. Mais par pudeur sans doute Anka Schmid n’a pas cherché à influencer ses interlocutrices, ou à mettre en parallèle des situations, préférant laisser ces images de vie se développer au gré des circonstances, naturellement, en les accompagnant simplement d’une bande sonore musicale discrète.
CŒUR AU VENTRE est un documentaire dont le sujet central reste, on l’a compris, une forme de courage de vivre.
Note: 11
Antoine Rochat