Khodorkovsky

Affiche Khodorkovsky
Réalisé par Cyril Tuschi
Pays de production Allemagne
Année 2011
Durée
Musique Arvo Pärt
Genre Documentaire
Distributeur Happiness Distribution
Acteurs Mikhail Khodorkovsky
Age légal 7 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 647
Bande annonce (Allociné)

Critique

C’est un documentaire passionnant. Outre l’injustice dont est victime l’ex-oligarque Mikhail Khodorkovsky, il rappelle les noirceurs de la politique russe.

Brillants étudiants, ils sortent de l’université au moment où l’Union soviétique vacille. Ils observent de loin l’économie occidentale et, en 1989, à la chute du mur, ils sont prêts, c’est le triomphe des oligarques. Mikhail Khodorkovsky a 26 ans, il fonde MENATEP, première banque privée russe. Six ans plus tard, la société pétrolière d’Etat Ioukos affiche une dette de 3 milliards de dollars; il en rachète 78% des actions pour 350 millions de dollars. En 2002, il est l’homme de moins de 40 ans le plus riche du monde; sa fortune est estimée à 18 milliards de dollars.

Mais Mikhail Khodorkovsky est aussi un critique du pouvoir et, lorsqu’il prend la défense de l’opposant Boris Nemtsov, il trouve le président Poutine en face de lui. C’est alors que s’amorce le drame. Arrêté le 25 octobre 2003, il est condamné à la prison sibérienne: neuf ans, augmentés de six en 2005. Il devrait en sortir en 2016, des procès en appel ayant réduit quelque peu la facture. Il est incarcéré pour évasion fiscale et escroquerie. Lors de son second procès, on l’accuse d’avoir blanchi 25,3 milliards de dollars et détourné 400 millions de tonnes de pétrole.

La fulgurance de l’itinéraire, l’improbabilité des délits reprochés, la lourdeur des peines successives… tout cela méritait un documentaire. Mais étant donné le décor, la politique russe et son marionnettiste, il fallait marcher sur des œufs. «J’ai la preuve qu’on m’a mis sur écoute lorsque je travaillais là-bas.»

Cyril Tuschi a découvert l’existence du «cas» Khodorkovsky alors qu’il se trouvait en Sibérie. «J’ai voulu écrire un film policier sur le combat de ces deux titans: Poutine et Khodorkovsky. Mais, revenu à Moscou, j’ai compris que la réalité du sujet dépassait toutes les fictions que je pourrais imaginer. J’ai donc opté pour le documentaire.»

Le réalisateur allemand dessine la complexité de l’affaire en travaillant comme un enquêteur. Il sollicite partout des interviews, devant souvent se résigner à des refus en Russie. En revanche, les personnes exilées qui ont connu l’oligarque ne sont pas avares d’explications. Avec un découpage clair, des séquences d’animation pour combler les images manquantes, le documentaire raconte une histoire aussi douloureuse que passionnante. Le personnage qui se révèle, considéré comme un voyou par les Russes, force la sympathie, ne serait-ce que par son train de vie modeste et son humanisme lorsqu’il était à la tête de Ioukos.

Que lui est-il arrivé? Vladimir Poutine détient les réponses et la clef de la cellule où est enfermé l’ex-oligarque. Tant qu’il sera au pouvoir, la prison restera fermée, Cyril Tuschi en est persuadé. Car le premier n’a jamais supporté la concurrence du second. Innocent Khodorkovsky? Sûrement pas complètement. Certains de ses amis disent qu’il est «le meilleur des pires» requins de la finance. Mais le documentaire confirme l’impression du réalisateur qui a filmé le prisonnier enfermé dans une cage en verre pour les besoins de son deuxième procès: «Khodorkovsky reste un mystère. J’ai été stupéfié par la sérénité apparente et la concentration qui émanaient de lui.»

Note: 15

Geneviève Praplan