Un monde discret

Affiche Un monde discret
Réalisé par David Deppierraz, Stefania Pinnelli
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 645

Critique

Léo (Giorgio Brasey/Jules Martinet), la quarantaine, s’en revient passer des vacances dans l’ancienne maison familiale, en compagnie de son amie Céline (Frédérique Leresche). Comme les murs sont remplis de souvenirs, Léo se replonge dans son passé. Et lorsque le fantôme de son frère Jonas (décédé il y a longtemps) lui apparaît soudain, il va le suivre dans les méandres de sa propre mémoire, dans celle de Jonas aussi. Jusqu’à s’y perdre par moments.

Surgissent plusieurs séquences d’un passé un peu trouble - tableaux des jeux d’enfance, de l’affection d’une mère (Marie-Aude Guignard) qui vit seule avec ses deux fils. Peu à peu va apparaître la structure éclatée d’un petit monde familial qui se situe assez loin des schémas traditionnels. Passé et présent continueront à s’imbriquer l’un dans l’autre, avec une composante fantastique, celle de l’image récurrente et fantomatique de Jonas (Noé Cuendet/Miguel Québatte). Léo va se retrouver (et se voir) enfant, il commencera à découvrir quelques brides de vérité sur son origine et celle de son frère.

Tableau du fonctionnement d’une famille éclatée - à travers deux générations -, UN MONDE DISCRET s’attache aux pas de Léo. Son cheminement sera ardu: il découvrira un secret familial important, dans un contexte religieux (catholique), et cherchera à l’élucider. Plusieurs pistes de réflexion semblent alors s’ouvrir dans le film (le célibat des prêtres, la notion de «normalité», la quête personnelle d’une identité), mais les réalisateurs ne font qu’indiquer des pistes à suivre. Tout est dit avec un minimum de mots, dans une écriture souvent proche de l’ascèse. La musique se limite à quelques accords réguliers qui rythment le récit. Les éclats de lumière - tantôt chaude (décors intérieurs), tantôt grise (pour le spectre de Jonas) - se font rares.

UN MONDE DISCRET est un film sans concession, sans message trop précis non plus, et c’est tant mieux. La caméra se fait tranquille et discrète, comme le monde qu’elle décrit. Les décors sont le plus souvent ceux d’un huis clos, et la démarche se veut intimiste et allusive. Pas de démonstration, pas de prise en otage du spectateur, à qui échoit pourtant la tâche de remettre en bonne place les différents éléments de l’«histoire», en réintégrant le passé dans le présent. Le film se présente donc comme une longue tranche de vie, comme une suite de retours en arrière, comme une évocation d’événements sur lesquels on n’aura par ailleurs que peu de renseignements. D’où parfois une certaine frustration, même si l’on reste séduit par les qualités évidentes de l’écriture.

A noter enfin qu’UN MONDE DISCRET procède d’un mode de production très particulier: ce long métrage est en effet le résultat de l’assemblage - il y a eu préméditation! - de trois courts métrages distincts, tournés entre 2005 et 2009 (LES VOISINS; AU-DELA, LES SOUVENIRS SONT NOTRE MAISON et IN NOMINE PATRIS), trois petits films d’un quart d’heure conçus pour pouvoir être montés ultérieurement ensemble, moyennant ajustements nécessaires, ajouts de plans ou de scènes entières. Il en résulte un objet de narration aux particularités dramatiques intéressantes et - paradoxalement - un film étonnamment cohérent et harmonieux.

Note: 13

Antoine Rochat