Une famille

Affiche Une famille
Réalisé par Pernille Fischer Christensen
Pays de production Iran
Année 2012
Durée
Musique Khashayar Bostan-Shirin, Omid Fathollahi, Abbas Dabirdanesh, Milad Movahedi, Mahmoud-Reza Mohaghegh
Genre Animation
Distributeur Les Films du Whippet
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 641
Bande annonce (Allociné)

Critique

Si la lourdeur du passé est souvent rappelée, celle des dernières volontés l’est moins fréquemment. Elle est pourtant tout aussi pesante, voire davantage. Alors, si les liens familiaux se resserrent parfois en cas de coup dur, doivent-ils étouffer pour autant?


Galeriste à succès à Copenhague, Ditte (Lene Maria Christensen) file le parfait amour avec son ami Peter (Johan Philip Asbaek), artiste. Lorsqu’on lui propose l’emploi de ses rêves à New York, elle n’hésite guère pour ne pas laisser échapper cette opportunité. Sauf que, juste avant de répondre positivement, elle apprend que son père (Jesper Christensen) est très gravement atteint dans sa santé. Du coup, tout du moins pour un temps, Ditte décline l’offre. Mais il y a plus encore. Son père, de la célèbre dynastie de boulangers Rheinwald, fournisseur de la maison royale du Danemark, entend bien qu’elle reprenne à sa mort (prochaine) les commandes de la fameuse Maison, les enfants de son second mariage étant bien trop jeunes pour cela. Cette volonté paternelle ne se discute pas. Ditte doit-elle faire plus qu’accompagner son père dans sa dernière étape de vie, jusqu’à se soumettre à sa volonté irrévocable? L’empire Rheinwald pourrait-il, devrait-il, changer de mains à cause de son propre refus? Serait-elle ensuite capable d’assumer une telle décision?


La société a beau avoir libéré ses mœurs, l’ultime désir d’un parent y revêt encore un poids énorme. Autant dire qu’une vision moderne du couple s’articule mal avec une conception traditionnelle de la famille, où la transmission du nom et du patrimoine est considérée comme une valeur sacrée. Mais faut-il accepter d’en devenir l’otage quand on a l’intuition que sa propre voie mène ailleurs? En conséquence, ne pas la suivre ne revient-il pas à passer à côté de son existence? Mais la suivre ne sera-t-il pas, à plus ou moins long terme, facteur d’une énorme culpabilité?


Deux parties composent ce film. Au cœur de la première, le couple Ditte-Peter oscille jusqu’à basculer. Déménager à New York ou demeurer à Copenhague? Peter tente de dissuader Ditte d’obtempérer. Cette dernière n’était-elle pas prête à tout sacrifier - jusqu’à avorter, lui rappelle son compagnon - pour réaliser son rêve new-yorkais?


La seconde partie accorde la place centrale à Rikard, le patriarche omnipotent et intransigeant, qui a toujours voulu tout maîtriser et qui voit tout à coup son existence lui échapper. C’est insupportable. Pour lui, et immédiatement pour ses proches. Ditte n’est-elle pas la seule qui pourrait…? Plus grave, cette partie cerne la mort de très près, comme pour mieux faire sentir l’écart entre un choix professionnel et relationnel. Le père (Jesper Christensen), qui se meurt sous les yeux du spectateur, et sa fille (Lene Maria Christensen) donnent véritablement corps - plus que paroles - à ces personnages déchirés.


L’esprit clanique est donc au rendez-vous de ce drame dans lequel amour et responsabilité, devoir et liberté se livrent jusqu’aux sacrifices une lutte âpre. Et si façonner un pain, riche d’une saveur véritable et d’un goût particulier, exige un savoir-faire ancré dans l’histoire, aller au bout de ses rêves et transmettre sans emprisonner demande un savoir-vivre que l’existence permet parfois de découvrir au cœur même de l’altérité.


Note: 16

Serge Molla