Bouillon d'Awara (Le) et Aux guerriers du silence

Affiche Bouillon d'Awara (Le) et Aux guerriers du silence
Réalisé par Cesar Paes
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 382

Critique

Deux films pour le prix d'un, c'est payer très bon marché un voyage «vrai».

Les deux documentaires ouvrent une fenêtre sur les réalités que l'Occidental ne peut connaître, tant il est limité par le voile de son éducation.

L'avantage du réalisateur Cesar Paes est son origine. Né au Brésil, il parle de ce qu'il sait, de ce qu'il voit, de ce qui le réjouit et de ce qu'il souffre. Son regard est d'autant plus proche de l'objectivité qu'il prend le temps de rencontrer ses interlocuteurs, de se faire connaître suffisamment pour aider la confiance à prendre forme. Prendre le temps! C'est déjà être original. D'autres aspects donnent aux films de Cesar Paes leur singularité.

Le premier film choisit une recette pittoresque, LE BOUILLON D'AWARA, pour se donner à la fois un titre, un fil conducteur, et surtout un symbole. L'awara est un fruit que l'on cueille dans la forêt guyannaise. Il sert de base à une soupe longuement mijotée, dont on dit que celui qui en mange à Pâques ne quittera plus le pays. Constituée de toutes sortes d'ingrédients, la préparation devient ce bouillon, métaphore de ce qu'est la population de Manam. Le village de quelque 1’500 habitants est lui aussi constitué de toutes sortes de peuples. La Guyane où il se situe est un département français d'Outre-Mer. Elle est aussi un carrefour au bord de l'Atlantique, où se sont arrêtées au fil du temps les populations les plus diverses, Javanais, Surinamais, Amerindiens, Laosiens, et bien sûr Français. Tous font partie du bouillon traditionnel, malgré des langages, des traditions, des existences différentes. Leur expérience d'intégration est étonnante, qui est parvenue à faire naître deux réalisations aussi concrètes que délicieuses, une identité créole, et le bouillon d'awara.

Le deuxième documentaire de Cesar Paes offre un contrepoint à cette réussite. AUX GUERRIERS DU SILENCE est un hommage aux populations qui perdent goutte après goutte le sang de leurs particularités. Afin de bien comprendre le film, il faut savoir que le réalisateur joue d'un effet de montage pour alterner la parole de deux peuples opposés, les Fulniôs et les Saamis. Les premiers, Brésiliens, vivent de la pêche. Les seconds, Lapons, sont éleveurs de rennes. Leur témoignage rappelle, une fois encore, et probablement toujours en vain, qu'ils ont leurs coutumes, leur façon de vivre, et que les Blancs de toutes sortes, marchands, missionnaires, touristes, ne font que limiter leurs modestes moyens, jusqu'à les obliger tôt ou tard à choisir entre l'assimilation ou la réserve. Les guerriers du silence se battent, chacun à leur manière, pour conserver leur identité. Leur combat, plus que bouleversant, est exemplaire.

Geneviève Praplan