Une séparation

Affiche Une séparation
Réalisé par Asghar Farhadi
Pays de production Iran
Année 2010
Durée
Musique Sattar Oraki
Genre Drame
Distributeur Memento Films Distribution
Acteurs Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini, Sareh Bayat, Sarina Farhadi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 639
Bande annonce (Allociné)

Critique

Ours d’Or et Prix œcuménique du dernier Festival de Berlin - et Prix d’interprétation féminine et masculine pour l’ensemble des actrices et des acteurs -, Une séparation est un film dense et passionnant. Histoire de la vie d’un couple (puis de deux), tableau de la condition féminine en Iran, réflexion autour de la notion de réalité objective, le film d’Asghar Farhadi peut se lire à plusieurs niveaux et possède une dimension tout universelle.

Dès les premières images - un homme et une femme devant un juge qui doit se prononcer sur une demande de divorce - s’installe un climat de tension particulier qui ne faiblira pas. Le spectateur fait face au couple, comme il sera confronté à toutes les situations conflictuelles à venir.

Enseignante, Simin (Leïla Hatami), avait décidé de quitter l’Iran avec son mari Nader (Peyman Moadi) et leur fille Termeh (Sarina Farhadi). Tout était prêt pour leur départ, mais son mari lui a subitement fait part de son refus de partir: il ne veut pas abandonner son père qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Simin dépose alors une requête de divorce, qui sera refusée: elle quitte le domicile conjugal pour retourner vivre avec ses parents, tandis que sa fille - témoin déchiré du conflit - décide de rester avec son père, tout en espérant un retour de sa mère à la maison.

Nader engage alors une jeune aide-soignante, Razieh (Sareh Bayat), pour s’occuper de son père malade. La jeune femme, croyante, est enceinte, mais elle n’en parle pas à Nader, pas plus qu’elle ne fait part de son engagement à son mari Hodjat (Shahab Hosseini), un homme au chômage et au demeurant colérique. Un premier incident va survenir, à partir duquel le film démarre vraiment. D’autres événements, plus graves encore, s’inscriront dans le récit, et les relations entre les personnages vont se compliquer.

La structure du film se construit dès lors sur une double dynamique: celle de deux couples qui s’affrontent, et celle - à l’intérieur de chaque couple - qui oppose les conjoints entre eux. Parallèlement, le cinéaste pose son regard sur deux classes sociales différentes: celle de Simin et Nader, bourgeoise et libérale, et celle de Razieh et Hodjat, issus tous les deux d’un milieu moins aisé, plus religieux et plus respectueux des traditions. A cela s’ajoute une réflexion sur le rôle actuel de la femme dans la société iranienne: Razieh et Simin sont des battantes, bien déterminées à faire respecter leurs droits.

La qualité première du film se situe dans la relation que le cinéaste réussit à établir entre les protagonistes et le spectateur. Les personnages seront sans cesse - sous ses yeux - amenés à remettre en question leur interprétation des faits, leurs points de vue personnels et les décisions qu’ils prennent.

Confronté à lui-même, mais entouré par ses proches (conjoint ou membre de la famille) ou par un représentant de l’autorité officielle (juge ou policier), chaque personnage défend ses intérêts et s’exprime avec la (petite) marge de liberté qu’il possède. Tout reste mouvant: l’interprétation (d’un événement) qui vient d’être donnée se modifie en cours de discussion, un infime changement de perspective relance le débat, de nouvelles informations vont infirmer ce qui vient d’être dit…

Une séparation se présente ainsi comme une enquête sur une vérité difficile à saisir et se développe, à ce niveau-là, avec une extrême subtilité. Le film devient un tableau - brillant et émouvant à la fois - des difficultés qu’il y a à maîtriser le réel, ainsi qu’une réflexion sur la capacité de chacun à maîtriser et à comprendre les événements. Où se situe la réalité objective? Les témoignages sont souvent discordants, les non-dits et les malentendus (voulus ou pas) compliquent les choses.

Asghar Farhadi raconte la complexité de toutes ces existences en s’appuyant sur une mise en scène remarquable, qui enferme chacun dans l’espace (locaux clos, environnement cloisonné, vitrages opaques). Aucune échappatoire n’est laissée à l’individu. Les acteurs sont serrés de près, filmés le plus souvent face à face, le rythme du montage maintenant une tension constante. A relever qu’Une séparation possède comme une composante documentaire très forte: le découpage (qui comporte de multiples plans), la mobilité de la caméra, le jeu des acteurs (parfaits), tout concourt à donner au film une impression générale de naturel, de «pris sur le vif». Pour atteindre à cette simplicité et cette authenticité, il fallait une grande maîtrise dans la direction d’acteurs et de très longues répétitions.

A noter enfin qu’Asghar Farhadi semble avoir trouvé grâce auprès de la censure de son pays. D’autres réalisateurs iraniens (Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof) ont eu moins de chance et sont privés de liberté. D’autres enfin sont boycottés par les autorités iraniennes et vivent à l’étranger…

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18
Georges Blanc 15
Daniel Grivel 18
Geneviève Praplan 20
Serge Molla 18